Certains au sein de la Commission européenne souhaitent lancer une « large réflexion » sur les nouvelles techniques de sélection des plantes, que certains considèrent comme des « OGM cachés ».
À la demande du commissaire à la santé et à la sécurité alimentaire, Vytenis Andriukaitis, le mécanisme de conseil scientifique (SAM) a publié une note explicative sur les nouvelles techniques de sélection des plantes, dans le secteur de la biotechnologie agricole.
Les nouvelles techniques de sélection des plantes (NTSP) consistent à développer de nouvelles caractéristiques au sein d’une espèce existante, à l’aide de l’ingénierie génétique. L’industrie agroalimentaire plaide pour que les plants obtenus ne soient pas considérés comme des organismes génétiquement modifiés parce qu’ils ne comportent aucun ADN externe, mais uniquement des modifications des séquences ADN d’origine.
Les détracteurs de ces techniques estiment cependant qu’il s’agit d’une manœuvre visant à faire accepter les OGM aux Européens.
En avril 2016, Enrico Brivio, porte-parole de la Commission européenne pour les questions de santé, de sécurité alimentaire et d’environnement, a estimé qu’il faudrait « s’écarter d’une discussion centrée sur les OGM en ce qui concerne l’innovation dans le secteur du matériel reproductif végétal ». « Nous ne devrions pas considérer toutes les nouvelles techniques comme des OGM ‘déguisés’ », a-t-il assuré.
Une large réflexion
Contactée par Euractiv, la Commission souligne que la note explicative ne prend pas position d’un point de vue juridique et ne fait pas de recommandations politiques.
« En règle générale, la Commission estime qu’il est nécessaire d’avoir une large réflexion sur les nouvelles techniques de sélection des plantes et l’innovation dans le secteur des semences, et au-delà », reconnaissent toutefois les représentants de l’exécutif.
Une conférence de haut niveau sur le sujet sera organisée à Bruxelles le 28 septembre 2017. Un évènement occasion qui devrait marquer un tournant dans la politique européenne à ce sujet.
Analyse au cas par cas
Une des conclusions principales de la note explicative est que les NTSP sont considérablement différentes les unes des autres. Il ne serait donc « pas optimal du point de vue technique et scientifique » de les regrouper sous la même catégorie.
De plus, les scientifiques soulignent que ces techniques peuvent modifier des plantes, mais aussi des animaux et microorganismes. « Ces [modifications] peuvent inclure l’insertion de gènes de la même espèce ou d’une autre espèce, mais aussi la modification directe de la séquence génétique d’un organisme d’une manière précise et ciblée, sans ajout d’ADN au génome du produit résultant de ces manipulations », note le rapport. D’autres techniques encore ne prévoient aucune modification de la séquence génétique.
La précision de ces techniques donne évidemment aux Hommes un plus grand contrôle des changements effectués que dans les techniques de sélection traditionnelles. Les effets secondaires sont donc moins fréquents, assurent les chercheurs du SAM.
La note explicative suggère donc une approche au cas par cas pour la classification et l’évaluation de la sûreté des techniques utilisées. Les analyses menées devraient en outre tenir compte du contexte et de l’environnement dans lequel le produit fini serait utilisé, ainsi que des pratiques agricoles dont il ferait l’objet.
Pas d’évaluation de dangerosité
L’association européenne des semences (ESA) s’est félicitée de la publication du rapport, ajoutant que ses conclusions placent clairement les méthodes analysées dans le contexte historique de l’évolution constante de la sélection des plantes.
La note « souligne correctement la précision et l’efficacité de ces méthodes, ainsi que le fait qu’il n’est généralement pas possible de distinguer les résultats obtenus des plantes créées grâce aux méthodes plus anciennes ou à l’évolution naturelle », explique Garlich von Essen, secrétaire général de l’association.
« Nous ne voyons aucune raison logique ou juridique de soumettre les plants résultant des NTSP à des évaluations de sûreté différentes ou additionnelles que celles qui s’appliquent aux plantes identiques issues de la mutagenèse naturelle ou des méthodes de sélections bien établies incluant des produits chimiques ou d’autres mutagènes », ajoute-t-il.
Agir sur les « nouveaux OGM »
L’IFOAM EU, la fédération européenne des mouvements d’agriculture biologique, a pour sa part jugé qu’à présent que le rapport avait été publié, la Commission pouvait agir sans délai. Eric Gall, responsable politique de l’organisation, souligne que les résultats de ces manipulations génétiques sont déjà sur le marché et que l’exécutif européen ne peut plus retarder la clarification du statut légal de ces nouveaux processus.
Selon l’IFOAM, la note explicative n’apporte aucun élément nouveau au débat, mais reconnait que « les mutations non désirées des plantes au génome modifié peuvent être inquiétantes ». L’organisation estime que le rapport pourrait être « plus détaillé et actuel en ce qui concerne les possibilités de développer de nouvelles méthodes de détection ».