Alors que l’interdiction de produire de nouvelles voitures à moteur à combustion en 2035 est presque actée, les régions productrices d’automobiles de l’Union européenne (UE) se sont associées pour réclamer un mécanisme de soutien destiné à faciliter la transition, similaire à celui mis en place pour les régions productrices de charbon.
Le Fonds pour une transition juste (FJT) soutient les territoires les plus touchés par la transition vers la neutralité climatique. Principalement les régions productrices de charbon, afin d’éviter les inégalités entre les régions. Il versera 20 milliards d’euros d’aides directes jusqu’en 2027.
Aujourd’hui, 20 districts de constructeurs automobiles repartis dans sept États membres de l’UE et réunis sous la bannière de l’Automotive Region Alliance souhaitent obtenir un mécanisme d’aide similaire.
« Le secteur automobile de l’UE représente plus de 14 millions d’emplois. Le passage aux voitures et camionnettes à zéro émission offre des possibilités à l’industrie européenne, mais pose également des défis évidents », a déclaré le commissaire européen Nicolas Schmit lors de la séance plénière du Comité des régions, jeudi (30 juin).
Prenant la parole pour soutenir les régions productrices d’automobiles, il a souligné la nécessité d’un « accompagnement fort de la requalification et des transitions d’un emploi à l’autre » ainsi que d’un « financement adéquat ».
Solidarité transfrontalière
La solidarité transfrontalière semble être l’approche choisie par ces régions, peut-être comme un moyen de contourner les gouvernements nationaux moins flexibles.
Des régions d’Allemagne, de France, d’Italie, d’Espagne, des Pays-Bas, d’Autriche et de Slovaquie se sont regroupées pour demander un « mécanisme européen soutenant une transition juste, équitable et efficace pour les régions européennes de l’industrie automobile et de l’approvisionnement » et des « lignes budgétaires supplémentaires dédiées ».
L’Automotive Region Alliance fait valoir que le défi posé par la fin apparemment imminente, en 2035, du moteur à combustion — et donc de l’activité principale de ses fournisseurs — sera suffisamment important pour justifier un dispositif de soutien spécial.
De lourdes pertes d’emplois
Une étude réalisée en 2021 a estimé que 5,7 millions d’emplois répartis entre l’industrie automobile et les industries associées pourraient être concernés, ce qui est nettement moins que les 14 millions estimés par M. Schmit, mais qui reste néanmoins considérable.
Les fournisseurs de moteurs à combustion et les fabricants de l’équipement d’origine (FEO) devraient subir de loin les pertes d’emplois les plus importantes, à savoir 220 000 et 280 000 respectivement.
« La transformation est bien sûr énorme. Surtout dans le Bade-Wurtemberg et en Bavière, où le moteur à combustion et ses fournisseurs représentent le cœur de l’activité », explique Fanny Tausendteufel, cheffe de projet de la politique industrielle du groupe de réflexion allemand sur les transports Agora Verkehrswende.
« Il y aura encore quelques défis à surmonter là-bas en raison du passage à la production de voitures électriques, mais aussi d’autres moteurs de changement structurel », a-t-elle ajouté. Les deux régions sont en effet relativement en retard dans le déploiement des énergies renouvelables.
Des défis similaires seront probablement rencontrés par les grandes régions productrices d’équipements d’origine en Espagne, comme la Galice, qui en est membre, et ailleurs.
Mais là où certains risquent d’être perdants, d’autres ont tout à gagner. « L’Allemagne de l’Est, en particulier, bénéficiera du passage à l’électromobilité. La “Silicon Saxony” bénéficiera de la concentration de fournisseurs potentiels pour la production de voitures électriques », a souligné Mme Tausendteufel.
La massification de la voiture électrique appellera également de nouvelles compétences. En Europe « il [faudra] 10 000 personnes » supplémentaires au cours des prochaines années pour le développement de logiciels déclarait en ce sens Xavier Chardon, président du directoire de Volkswagen France, lors d’un atelier-débat organisé par Équilibre des Énergies le 15 juin dernier.
Riche ou pauvre ?
Contrairement aux régions productrices de charbon, qui ont eu besoin du soutien de l’UE en raison de leur pauvreté relative et de leur isolement sur le plan économique, les régions productrices d’automobiles comptent parmi les plus riches de l’UE.
En 2019, le Bade-Wurtemberg, membre de l’alliance, avait un PIB par habitant de 47 000 euros et était donc aussi riche que l’Australie. La Rhénanie-du-Nord–Westphalie, autre membre de l’alliance, avait un PIB par habitant de 39 600 euros. La Saxe, membre de l’alliance est-allemande, est la plus mal lotie avec 31 423 euros par habitant.
Si l’on ajoute à cela le fait que la plupart des études prévoient une perte d’emplois relativement insignifiante à partir de 2030, on peut se demander si les États allemands doivent bénéficier d’un régime destiné à aider les régions défavorisées à rattraper leur retard.
[Édité par Paul Messad]