Des organisations de la société civile et des universitaires ont critiqué la récente lettre adressée par Thierry Breton au propriétaire du réseau social X, Elon Musk, arguant que le commissaire européen interprète mal le règlement sur les services numériques (DSA) de l’Union européenne (UE).
Des organisations de la société civile, des chercheurs et des universitaires ont adressé des lettres à Thierry Breton pour exprimer leur inquiétude, suite aux commentaires envoyés par le commissaire européen au Marché intérieur au milliardaire Elon Musk, afin de critiquer les actions de ce dernier sur le réseau social X.
Le 12 août, Thierry Breton avait envoyé une lettre à Elon Musk pour l’exhorter à veiller à ce que X respecte les normes de l’UE, en particulier le règlement sur les services numériques (Digital Services Act, DSA), et modère correctement les contenus de son réseau, après le débat qu’il avait organisé avec le candidat à la présidence des États-Unis, Donald Trump.
Cette lettre avait été publiée sans coordination avec la présidente Ursula von der Leyen ni approbation du collège de la Commission. En réponse, Elon Musk avait posté un mème très insultant, mais n’avait répondu à aucune des questions soulevées par Thierry Breton.
Suite à ces échanges, un porte-parole de la Commission a déclaré de pas vouloir commenter ces lettres, mais a rappelé qu’une enquête sur la conformité de X avec le DSA était toujours en cours. Cette dernière se concentre sur les contenus illégaux publiés en ligne et sur la désinformation.
Le DSA vise à renforcer la sécurité en ligne, en définissant les responsabilités des acteurs du numérique dans la diffusion de contenus nuisibles mais légaux, dans la propagation de discours de haine et de contenus illégaux, ou dans la vente de produits dangereux.
Le règlement exige des plateformes comptant plus de 45 millions d’utilisateurs par mois qu’elles respectent des obligations strictes en matière de modération des contenus, de transparence et de gestion des risques, en raison du « risque systémique » potentiel qu’elles représentent pour la société.
Il concerne les grandes plateformes en ligne (Very Large Online Platforms, VLOP), telles que X, Instagram, TikTok, des sites de commerce comme AliExpress, ainsi que de très grands moteurs de recherche en ligne (Very Large Online Search Engines, VLOSE), tels que Google Search et Bing.
Les lettres ouvertes
Dans l’une des lettres adressées à Thierry Breton, datée de mercredi 21 août et signée par les organisations The Future of Free Speech, TechFreedom, Institute H2Z et bien d’autres, les auteurs affirment que le message du commissaire européen à Elon Musk témoigne de son mépris pour la liberté d’expression, ce qui, selon eux, est incompatible avec les principes du DSA.
Les auteurs soulignent que le DSA doit être interprété de manière à défendre la liberté d’expression et que les restrictions à celle-ci doivent être appliquées avec prudence.
La lettre critique également l’utilisation par Thierry Breton du terme « contenu préjudiciable », suggérant que son approche pourrait conduire à de la censure. Les signataires ne sont pas non plus d’accord avec le commissaire sur l’application du DSA au-delà de l’UE, avertissant que cela pourrait menacer la liberté d’expression au niveau mondial.
Cette interpellation fait écho à la réponse de Linda Yaccarino, PDG de X, selon laquelle la lettre de Thierry Breton à Elon Musk est « une tentative sans précédent d’étendre une loi destinée à s’appliquer en Europe à des activités politiques aux États-Unis ».
L’autre lettre, publiée lundi 19 août et rédigée par Access Now, ARTICLE 19 et l’Electronic Frontier Foundation (EFF), exprime des inquiétudes quant au fait que Thierry Breton pourrait être influencé par des pressions politiques plutôt que par une interprétation minutieuse et légale du DSA.
Le message fait valoir que, bien que le DSA s’applique à tous les VLOP desservant les utilisateurs de l’UE, la lettre de Thierry Breton ne démontre pas clairement comment des événements aux États-Unis font peser des risques systémiques sur l’UE. Les auteurs soulignent la nécessité d’une application du DSA basée sur les droits humains.
Les organisations de la société civile soutiennent que le DSA devrait se concentrer sur l’évaluation des risques globaux liés à la manière dont les plateformes comme X fonctionnent, plutôt que d’établir des règles pour contrôler des contenus spécifiques. Elles critiquent l’idée d’utiliser le DSA pour imposer des restrictions sur les contenus.
Les auteurs de la seconde lettre recommandent à la Commission de fournir des principes directeurs plus clairs sur les évaluations des risques systémiques.