Lundi 26 août, le président français Emmanuel Macron a déclaré que l’arrestation du PDG de Telegram, Pavel Durov, à Paris samedi 24 août, n’était en aucun cas liée à une restriction de la liberté d’expression.
Pavel Durov, citoyen russe naturalisé français en 2021, a été arrêté à Paris. Il doit répondre de nombreux chefs d’accusation, qui vont de l’escroquerie en bande organisée à la diffusion d’images de mineurs présentant un caractère pornographique, selon un communiqué de presse de la procureure de la République du tribunal judiciaire de Paris, Laure Beccuau, envoyé lundi à Euractiv.
La détention de l’entrepreneur à succès a été prolongée dimanche 25 août, ce qui signifie que Pavel Durov restera en garde à vue pour interrogatoire pendant un maximum de 96 heures. Le juge pourra ensuite décider de le libérer ou de le mettre en examen, ce qui prolongerait sa détention.
Bien que Pavel Durov vive en exil aux Émirats arabes unis, l’ambassade de Russie en France a exhorté sur X la France à le libérer.
Selon l’agence de presse russe RIA Novosti, Alexeï Nechaïev, ancien membre du Conseil central du parti de Vladimir Poutine et actuel responsable du parti russe des Nouvelles personnes, a envoyé dimanche 25 août une lettre de soutien pour demander la « libération immédiate de Pavel Durov ».
La lettre, adressée à des poids lourds de la politique française, allant de la leader d’extrême droite Marine Le Pen (Rassemblement National, Patriotes de l’Europe) au leader de l’extrême gauche Jean-Luc Mélenchon (LFI, La Gauche), critique un précédent qui pourrait détruire « la vie privée des gens et la liberté d’expression ».
« Aucune lettre n’a été reçue par qui que ce soit », a cependant expliqué la députée européenne du Rassemblement National, Virginie Joron, à Euractiv.
Un porte-parole du parti La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon a répondu aux questions d’Euractiv affirmant n’avoir aucune connaissance de cette lettre.
Virginie Joron, dont le parti avait contracté 9,4 millions d’euros de prêts auprès de banques russes en 2014 et a été soutenu par le gouvernement russe lors des récentes élections législatives anticipées en France en juillet, a cependant fait écho aux préoccupations des responsables russes et a interrogé les motivations des autorités françaises lors de l’arrestation de Pavel Durov.
Elle a souligné que son parti suivrait « suivr[ait] cette affaire au regard notamment de la protection des libertés individuelles » et, en particulier, la liberté d’expression.
Depuis l’arrestation de Pavel Durov, les autorités françaises ont fait l’objet de multiples critiques, accusées de restreindre la liberté d’expression, notamment de la part du milliardaire et propriétaire du réseau social X, Elon Musk, et du complotiste et ancien candidat à la présidence des États-Unis, Robert Kennedy Jr.
« Telegram se conforme aux lois de l’UE, […] sa modération est conforme aux normes de l’industrie et s’améliore constamment », a écrit sur X Telegram dimanche.
« Il est absurde de prétendre qu’une plateforme ou [Pavel Durov] est responsable des abus de cette plateforme », ajoute le message.
Pour Miriam Buiten, chercheuse au Centre sur la Régulation en Europe, il est toutefois « profondément problématique [qu’il y ait] des allégations répétées selon lesquelles une procédure pénale tout à fait légitime est étiquetée à tort comme une restriction de la liberté d’expression ».
« Personne ne penserait qu’il y ait une restriction de la liberté d’expression si une quelconque autre entreprise devait faire face à des infractions criminelles telles que la vente de drogues ou le partage de matériel pédopornographique », a ajouté Miriam Buiten.
Pour Emmanuel Macron, il y a beaucoup de « fausses informations » autour de l’arrestation de Durov, a écrit sur X le président lundi 26 août.
Il a ensuite ajouté que la France respectait la liberté d’expression et que l’arrestation de Pavel Durov faisait « dans le cadre d’une enquête judiciaire en cours ».
« Ce n’est en rien une décision politique. Il revient aux juges de statuer. », a-t-il précisé.
Le débat sur le Digital Services Act
Bien que Telegram soit devenu l’une des applications de messagerie les plus populaires, comptant 900 millions d’utilisateurs dans le monde et espérant atteindre un milliard d’ici fin 2024, la plateforme affirme avoir moins de 45 millions d’utilisateurs actifs mensuels au sein de l’Union européenne (UE).
Ces chiffres permettent à la plateforme de ne pas être désignée comme une « très grande plateforme en ligne » (VLOP en anglais), ce qui signifierait qu’elle aurait à se conformer à un large éventail d’obligations en vertu du règlement phare de l’UE sur la modération des contenus en ligne, le Digital Services Act (DSA).
La Commission « examine toujours la méthodologie de Telegram », a déclaré un porte-parole de la Commission à Euractiv.
Cependant, dû au fait que les services de Telegram se situent quelque part entre des services d’une application de messagerie et d’une plateforme de réseaux sociaux, il est difficile de calculer le nombre total d’utilisateurs mensuels, explique Miriam Buiten.
Telegram doit néanmoins se conformer à ses obligations en vertu du DSA, « y compris lorsqu’elle prend connaissance de crimes graves ou lorsqu’elle reçoit des ordres de fournir des informations sur des comptes soupçonnés d’activités criminelles », a souligné un porte-parole de la Commission à Euractiv.
Tant que Telegram n’est pas considéré comme une VLOP, elle est responsable de se conformer devant les autorités nationales, et non devant la Commission européenne.
Telegram a ouvert son siège de l’UE à Bruxelles en mai.