Thierry Breton met en garde le réseau social X sur le respect des règlementations de l’UE

Le commissaire Thierry Breton a souligné la nécessité d’une modération rigoureuse du contenu, en particulier lors d’événements politiques ou sociétaux importants, en donnant comme exemple les troubles publics au Royaume-Uni liés au contenu du site X. [rafapress/Shutterstock]

Quelques heures avant l’échange du 12 août entre Donald Trump et Elon Musk sur X, le commissaire européen au numérique Thierry Breton avait enjoint le propriétaire du réseau social de respecter les règlementations de l’UE.

À moins de trois mois de la présidentielle américaine du 5 novembre prochain, Elon Musk, le propriétaire du réseau social X, a débattu lundi 12 août avec l’ancien président américain Donald Trump.

La discussion était diffusée sur le compte X de Donald Trump, qui avait été fermé suite à l’attaque du Capitole du 6 janvier 2021, avant qu’Elon Musk ne le réactive après son rachat de la plateforme en 2022. Le débat était donc accessible aux utilisateurs du réseau localisés dans un pays de l’UE.

L’occasion pour le commissaire européen au numérique, Thierry Breton, d’envoyer une lettre à Elon Musk et lui faire une piqûre de rappel concernant les règlementations de l’UE.

« Je crois savoir que vous effectuez actuellement un ‘stress test’ de la plateforme », a écrit Thierry Breton, faisant référence au processus qui consiste à évaluer les performances d’une plateforme lorsqu’elle enregistre un pic d’utilisation, pour notamment s’assurer que cette dernière peut gérer d’importants volumes de données. Le commissaire européen a ensuite rappelé au milliardaire le devoir de vigilance qui doit être observé au cours de ce processus.

Elon Musk s’est contenté de répondre à la lettre de Thierry Breton par le biais d’un mème insultant, et en éludant les questions posées par le commissaire.

Euractiv a contacté X pour obtenir une réaction suite à ces échanges, mais n’a pas reçu de réponse au moment de la publication de cet article.

Du côté de la Commission européenne, Arianna Podestà, la porte-parole adjointe de l’exécutif européen, a expliqué lors d’une conférence de presse mardi 13 août que l’envoi de la lettre de Thierry Breton n’avait pas été coordonné avec Ursula von der Leyen, ni avec le collège des commissaires.

Les tensions entre le propriétaire de X et la Commission européenne se sont particulièrement accrues en juillet, lorsque Elon Musk a annoncé son intention de poursuivre l’exécutif de l’UE pour des accusations d’infractions présumées du règlement sur les services numériques (Digital Services Act, DSA).

Celles-ci seraient liées à des questions de politiques et de transparence concernant les comptes vérifiés de X, ce qui a donné lieu à un débat sur X avec Thierry Breton, par ailleurs soutenu par le président Emmanuel Macron pour un second mandat.

Le réseau social X visé par neuf plaintes relatives au traitement des données personnelles en Europe

Neuf plaintes relatives à la protection des données ont été déposées contre X en Europe le 12 août, quelques jours après l’annonce par le réseau social de la suspension du traitement des données personnelles des utilisateurs de l’UE pour développer son modèle d’IA Grok.

Les obligations de X en vertu du droit européen

Thierry Breton a rappelé à Elon Musk les obligations de X en vertu du DSA, le règlement historique de l’UE sur la modération des contenus en ligne, qui s’applique pleinement depuis le 17 février 2024.

Le réseau social X est considéré comme une très grande plateforme en ligne (very-large online platform, VLOP) au titre du DSA, ce qui signifie qu’il doit se conformer à des règles strictes en matière de transparence et de gestion des risques.

X a l’obligation légale de protéger la liberté d’expression, de respecter le pluralisme des médias, et d’atténuer la viralité des contenus toxiques.

Thierry Breton a insisté sur le fait que la plateforme devait veiller à ce que le réseau social respecte la règlementation de l’UE, notamment en ce qui concerne les contenus illégaux et la désinformation.

« Les obligations du DSA s’appliquent sans exception ni discrimination à la modération de l’ensemble de la communauté d’utilisateurs et du contenu de X (y compris vous-même en tant qu’utilisateur avec plus de 190 millions de followers) », a écrit Thierry Breton dans sa lettre à Elon Musk.

Le réseau social X doit également informer Bruxelles des mesures prises pour lutter contre les contenus illégaux, agir de manière rapide et objective suite à des avertissements émis par des utilisateurs concernant les contenus illégaux, avertir les utilisateurs des mesures prises en réponse à ces avertissements ou encore rendre compte publiquement de ses efforts de modération des contenus, a ajouté le commissaire.

Une enquête de l'UE sur X pourrait être influencée par la manière dont la plateforme à traité les émeutes au Royaume-Uni

Selon un porte-parole de la Commission européenne, une enquête en cours sur le réseau social X pourrait être influencée par la manière dont la plateforme a traité le contenu lié aux émeutes au Royaume-Uni.

Les inquiétudes demeurent

Le commissaire européen a également souligné la nécessité d’une modération rigoureuse des contenus lors d’événements politiques ou sociétaux en citant comme exemple les émeutes au Royaume-Uni, fortement relayées via des contenus partagés sur X.

Thierry Breton a évoqué l’enquête en cours de la Commission européenne concernant la plateforme pour ne pas avoir suffisamment lutté contre les contenus illégaux et la désinformation dans le cadre du DSA.

L’enquête lancée en décembre 2023 pourrait être en partie influencée par la manière dont X a traité le contenu lié aux émeutes au Royaume-Uni. Bien que ce pays ne fasse plus partie de l’UE, les contenus préjudiciables en provenance du Royaume-Uni qui atteignent les utilisateurs de l’UE peuvent avoir un impact sur l’enquête.

Le commissaire français a pressé Elon Musk de s’assurer que les dispositifs de X sont efficaces et à rendre compte des mesures prises.

« Mes services et moi-même serons extrêmement vigilants face à tout élément indiquant des infractions au DSA, et n’hésiterons pas à utiliser pleinement notre boîte à outils », ce qui pourrait inclure l’adoption de mesures provisoires, a mentionné le commissaire dans sa lettre.

X a récemment fait l’objet d’un examen minutieux lorsque la Commission irlandaise de protection des données (DPC) a entamé une procédure judiciaire à son encontre, ce qui a conduit la plateforme à suspendre l’utilisation de certaines données d’utilisateurs de l’UE pour l’entraînement d’un modèle d’IA.

Pourtant, des plaintes relatives à la protection des données sur la plateforme ont récemment été déposées.

IA : le réseau social X suspend le traitement de certaines données à caractère personnel

X a suspendu le traitement de certaines données personnelles issues de messages publics des utilisateurs de l’UE pour entraîner des modèles d’intelligence artificielle (IA), deux jours après le début de la procédure judiciaire de la Commission irlandaise de protection des données.

[Édité par Anne-Sophie Gayet]

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