Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a annoncé lundi (18 mars) un nouveau cycle de production de tritium, indispensable pour la fabrication d’armes nucléaires, grâce à deux réacteurs civils d’EDF.
M. Lecornu s’est rendu lundi sur le site de la centrale nucléaire de Civaux dans le sud-ouest de la France (Nouvelle-Aquitaine) qui produira pour l’Armée la base du tritium. Le tritium, lui, sera fabriqué dans les locaux du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), établissement français de recherche scientifique et industrielle en matière nucléaire.
Afin de le produire en quantité suffisante, il est nécessaire d’irradier de la matière contenant du lithium, c’est-à-dire d’exposer cette matière aux flux de neutrons présents à l’intérieur du cœur d’un réacteur nucléaire par exemple.
De cette matière irradiée peut être extrait le tritium, dont la forme gazeuse n’existe pratiquement pas à l’état naturel.
Cependant, cet isotope d’hydrogène (1 proton et 2 neutrons, H3) à la particularité de se désintégrer spontanément. Par conséquent, tout stock est réduit de moitié en 12 ans et disparaît presque entièrement au bout d’un siècle.
Or, il est indispensable à la production d’armes nucléaires, et notamment de bombe à hydrogène et bombes à neutrons, dont il est le principal actif explosif.
C’est donc pour assurer la disponibilité des stocks suffisants « dans le cadre de la permanence et de la crédibilité de la dissuasion » nucléaire française, que l’Armée et EDF ont imaginé cette « collaboration », peut-on lire dans une annexe du communiqué de presse.
La France posséderait actuellement plus de 290 têtes nucléaires « actives », selon la fédération des scientifiques américains, quand la Chine en compterait 500, les États-Unis environ 3 700 et la Russie 4 400 dont plus de la moitié non déployées sur des lanceurs.
Pas de besoins immédiats ?
Le contexte international actuel n’est pas à l’origine de l’intérêt soudain pour le tritium, tient à préciser le ministère des Armées.
« On ne procède pas à ce service d’irradiation parce qu’on a des besoins maintenant, tout de suite », a insisté Etienne Dutheil, directeur de la production nucléaire chez EDF, lors d’un point presse.
Plutôt, « le projet qui est engagé aujourd’hui vise à permettre aux gens qui seront responsables de la dissuasion française dans quinze ou vingt ans de continuer à disposer de toutes les options possibles », a-t-il ajouté.
D’ailleurs, le ministère des Armées rappelle que des discussions avec EDF ont cours depuis plus de 25 ans sur le sujet, en anticipation de la fermeture en 2009, après plus de 50 ans de fonctionnement, des deux réacteurs du CEA destinés uniquement aux applications militaires, situés à Marcoule dans le sud-est de la France (Occitanie).
Les services du ministère et EDF ont finalement considéré la centrale de Civaux, l’une des plus puissantes et les plus récentes du parc français, pour continuer la production de tritium.
« [La centrale de Civaux] présente une capacité de poursuite de sa durée d’exploitation qui est maximale », a expliqué M. Dutheil.
La production électrique non affectée
Le ministère et EDF préviennent : la production d’électricité n’en sera pas affectée. L’irradiation du lithium se fera pendant le fonctionnement normal du réacteur.
À proprement parler, une convention entre l’État, le CEA et EDF « sera signée » — sans précisions de date — pour fixer le périmètre juridique et contractuel des activités, précise le communiqué de presse.
Par la suite, EDF déposera dans le courant de l’année un dossier auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire qui étudiera la faisabilité du projet, a indiqué M. Dutheil.
En raison de ce calendrier, la première irradiation test de lithium ne pourra donc intervenir avant 2025, année prévue d’un nouvel arrêt des réacteurs de la centrale.
[Édité par Anne-Sophie Gayet]