Ce que l’Allemagne réserve à l’Europe pour 2022

« La réussite de l’Europe est notre préoccupation nationale la plus importante », avait déclaré le chancelier Olaf Scholz dans sa première allocution gouvernementale à la mi-décembre. [JOHN THYS/EPA]

Cet article fait partie de l'édition spéciale Politiques européennes : À quoi faut-il s’attendre en 2022 ?.

Le nouveau gouvernement allemand a fait de la réforme de l’UE, ainsi que de sa propre économie et de sa société, une priorité absolue. Cette année montrera à quelle vitesse et jusqu’à quel point la coalition au pouvoir souhaite vraiment avancer et comment elle se coordonnera avec son principal allié, la France.

Le focus sur l’Union européenne est clairement visible dans l’accord de coalition entre les sociaux-démocrates (SPD), les Verts et le parti libéral (FDP), l’Europe figurant en bonne place dans presque tous les chapitres de l’accord.

Alors que la présidence française du Conseil de l’Union européenne débute, l’Allemagne milite en faveur d’une UE plus souveraine — une notion chère au président français Emmanuel Macron — et souhaite découvrir de nouvelles voies pour réformer l’Union, et ce en collaboration avec la France.

« La réussite de l’Europe est notre préoccupation nationale la plus importante », avait déclaré le chancelier Olaf Scholz dans sa première allocution gouvernementale à la mi-décembre. « La politique européenne est devenue un élément majeur de notre politique intérieure », avait-il ajouté.

Toutefois, des défis majeurs attendent au niveau européen, notamment en ce qui concerne la réforme des règles budgétaires de l’UE et les questions d’État de droit qui se posent avec la Pologne et la Hongrie.

Sur le plan intérieur, l’Allemagne se concentrera particulièrement sur la transition écologique et numérique « afin de définir la bonne voie à suivre pour l’avenir », a déclaré M. Scholz, ajoutant que « l’Allemagne effectuera la transition vers une société neutre sur le plan climatique et numérisée dans les années 2020 ».

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Réforme de Schengen, Europe de la Défense, nouveau modèle européen… Emmanuel Macron a présenté les ambitions que la France compte porter au cours de sa présidence du Conseil de l’UE au premier semestre 2022.

Une Europe souveraine

Berlin tient particulièrement à faire progresser l’UE sur le plan de la souveraineté stratégique en augmentant sa capacité à agir dans un contexte mondial et à être moins dépendante d’autres acteurs dans des domaines tels que l’approvisionnement énergétique ou le numérique.

Les ambitions de l’Allemagne sont étroitement alignées sur celles de la France, qui mettra l’accent sur la souveraineté stratégique européenne durant sa présidence de l’UE.

« Il s’agit de savoir comment rendre l’Europe forte, avec une souveraineté européenne dans toutes les dimensions que ce terme implique », avait déclaré Olaf Scholz lors de sa visite d’État à Emmanuel Macron à la mi-décembre.

La nouvelle coalition allemande veut encourager la coopération avec les États partageant les mêmes valeurs démocratiques que l’UE et permettre au bloc de rivaliser dans la « concurrence des systèmes » avec les États autoritaires.

L’un des principaux outils destinés à renforcer l’autonomie stratégique de l’Union est la  »Boussole stratégique », qui a pour objectif de développer les capacités stratégiques et militaires de l’Europe afin de renforcer sa capacité à intervenir dans le monde.

La Boussole stratégique a été lancée pendant la présidence allemande du Conseil de l’UE en 2020 et devrait être finalisée durant la présidence française en mars prochain.

Un autre élément sur lequel le gouvernement allemand insistera est le fait de recourir davantage au vote à la majorité qualifiée dans les relations extérieures de l’UE. « Nous voulons utiliser les possibilités qu’offre le traité de Lisbonne à cet effet », avait souligné M. Scholz en décembre.

« Il doit devenir la règle que nous puissions décider à la majorité qualifiée au Conseil, et ce même dans des domaines où ce n’est pas le cas aujourd’hui. Ce n’est pas une perte mais bien un gain en termes de souveraineté », selon le nouveau chancelier allemand.

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La réforme de l’UE et le couple franco-allemand

L’Allemagne s’est fixé des objectifs ambitieux pour lancer un processus de réforme de l’UE.

L’accord de coalition du nouveau gouvernement précise son souhait d’utiliser la Conférence sur l’avenir de l’Europe qui se déroule actuellement comme point de départ d’une réforme de l’UE qui devrait aboutir à terme au « développement d’un État européen fédéral ».

M. Macron a salué l’approche ambitieuse de Berlin et appelé à des efforts pour « rebâtir un élan fondateur ». « Cet élan conduira peut-être à une refonte de nos traités, et je salue le fait que la nouvelle coalition en Allemagne ait fixé une telle ambition », a-t-il ajouté.

Alors qu’une réforme majeure de l’UE est actuellement écartée en raison de l’exigence d’unanimité qui l’accompagne, le chancelier allemand prône une Europe à plusieurs vitesses.

« Nous devons toujours être prêts à expérimenter des solutions dans des groupes d’États si tous ne sont pas encore prêts à le faire, comme nous l’avons déjà fait avec Schengen, l’euro ou encore la politique de sécurité et de défense », a-t-il expliqué.

M. Scholz a également souligné la nécessité d’un alignement fort avec la France sur les questions européennes, car « l’entente franco-allemande est un prérequis pour les progrès en Europe ».

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Les points de friction

Toutefois, il existe quelques points de friction au sein du couple franco-allemand, notamment sur la réforme des règles fiscales de l’Union.

La France, l’Italie et plusieurs autres États membres font pression pour que l’UE assouplisse ses règles en matière de fiscalité et de dette.

« Nous ne réussirons pas (…) si nous en revenons à un cadre budgétaire qui a été conçu au début des années 1990 », a souligné M. Macron lors d’une récente conférence de presse sur la présidence française de l’UE.

Toutefois, avec le FDP, un parti conservateur sur le plan fiscal, à la tête du ministère des Finances en Allemagne, Berlin paraît réticent à assouplir trop rapidement les règles budgétaires du bloc.

Bien que le ministre des Finances Christian Lindner (FDP) ait montré une certaine volonté de parvenir à un compromis avec la France et l’Italie, la question restera controversée.

L'Allemagne rejette l'assouplissement des règles budgétaires de l'UE

Avec un ministère des Finances dirigé par les libéraux du FDP, l’Allemagne entend adopter une ligne dure sur la politique fiscale de l’UE et rejeter les appels des pays du sud de l’UE à assouplir les règles fiscales. Toutefois, le FDP, favorable aux entreprises, est ouvert au compromis.

Un autre point de friction pourrait résulter de la nouvelle approche de l’Allemagne à l’égard des États membres accusés d’enfreindre le principe de l’État de droit.

Le nouveau gouvernement allemand souhaite adopter une position plus sévère à l’égard des États qui violent le principe d’État de droit et veut utiliser les instruments existants en la matière « de manière plus rigoureuse et plus rapide ». Cela s’appliquera également au fonds de relance post-pandémie, la coalition de « feu tricolore » souhaitant conditionner les versements de ce fonds au respect de l’État de droit.

Toutefois, l’Allemagne entend également proposer une coopération plus étroite à la Pologne — considérée comme le pays qui enfreint le plus l’État de droit avec la Hongrie — dans d’autres domaines, notamment au sein du Triangle de Weimar, un forum politique de coopération trilatérale réunissant la France, l’Allemagne et la Pologne.

Le gouvernement et le climat

Rattraper le retard pris en matière de climat est une autre priorité majeure de la coalition tripartite.

« La plus grande transformation de notre industrie et de notre économie depuis au moins 100 ans est à venir », avait déclaré M. Scholz en décembre.

Selon le ministre de l’Économie Robert Habeck (Verts), l’Allemagne est déjà à la traîne et ne parviendra pas à atteindre ses objectifs climatiques pour 2022. « Nous partons avec un retard considérable », avait confié M. Habeck au journal allemand Die Zeit fin décembre.

Pour inverser la tendance, le gouvernement de M. Scholz prévoit de lancer un programme législatif complet couvrant les transports, l’électricité, l’industrie et l’agriculture afin d’intensifier ses efforts pour réduire les émissions de carbone.

Le paquet « Fit for 55 » de l’UE figure également en tête de l’ordre du jour. Ce paquet européen, qui ambitionne de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici à 2030, devrait entrer en vigueur en 2022.

Le gouvernement s’est engagé à « soutenir activement la Commission européenne dans la mise en œuvre de son paquet climatique Fit For 55 », a déclaré le chancelier allemand, mais il reste à voir quelles priorités le gouvernement fixera concernant ce paquet.

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