Les troubles au Kazakhstan, les tensions autour de l’Ukraine et la nécessité d’avoir une politique européenne crédible vis-à-vis de la Russie ont dominé l’inauguration de la présidence française du Conseil de l’UE — la conférence de presse du président français Emmanuel Macron et de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, vendredi 7 janvier à Paris.
Le président Macron s’est dit préoccupé par la situation au Kazakhstan, qui a été frappé par une vague de protestations, ajoutant qu’il continuerait à suivre l’évolution de la situation dans le pays. La Russie a envoyé des troupes dans cette ancienne république soviétique. Le Kazakhstan est membre de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), une alliance militaire dirigée par la Russie.
« Nous sommes inquiets, nous sommes vigilants, nous avons appelé à la désescalade, et nous sommes mobilisés, dans ce contexte tout à fait nouveau, pour être actifs », a déclaré M. Macron.
Le président kazakh Kassym-Jomart Tokayev a déclaré vendredi (7 janvier) qu’il avait donné des ordres de tirer à vue afin de faire face à de nouveaux troubles de la part de ceux qu’il a qualifiés de bandits et de terroristes.
Le soulèvement au Kazakhstan a commencé par des protestations dans les régions occidentales riches en pétrole contre la suppression des plafonds de prix imposés par l’État pour le butane et le propane, mais les manifestations se sont ensuite intensifiées et étendues, faisant plusieurs morts.
La Commission européenne offrira son aide au Kazakhstan dans la mesure de ses possibilités pour résoudre la crise, a déclaré la présidente de la Commission.
« Je suis la situation au Kazakhstan avec beaucoup d’inquiétude », a déclaré Mme von der Leyen aux journalistes, s’exprimant aux côtés de M. Macron.
« Les droits et la sécurité des citoyens sont de première importance et doivent être garantis. Nous offrons notre assistance là où nous le pouvons », a-t-elle ajouté.
Interrogé sur les tensions actuelles autour de l’Ukraine et sur le risque que l’Europe soit mise à l’écart par les États-Unis et la Russie, M. Macron a répondu que c’était une « bonne chose » que Moscou et Washington se parlent. Il a souligné que la coordination transatlantique était très efficace.
« La coordination entre Américains et Européens est exemplaire sur cette question et nous avons eu plusieurs échanges avec le président Biden avant et après ses entretiens avec le président Poutine. Si ces échanges concernent la question ukrainienne ou plusieurs autres questions bilatérales, ils ne traitent pas des questions d’architecture de sécurité européenne, qui est d’abord une question pour les Européens », a déclaré le président français.
Il a déclaré que c’était à l’UE de concevoir cette architecture de sécurité européenne qui montre clairement que l’Europe est une force géopolitique, de la proposer à ses alliés de l’OTAN et de la partager avec son voisinage.
Macron a également déclaré qu’il avait eu deux « longues » conversations téléphoniques avec Vladimir Poutine et que d’autres entretiens auraient lieu dans les prochains jours.
L’Europe doit avoir un dialogue avec la Russie
« Je pense que l’Europe doit avoir un dialogue avec la Russie. Avoir un dialogue ne signifie pas concéder. Avoir un dialogue signifie clarifier nos désaccords, mais essayer de construire l’avenir », a-t-il déclaré, avant d’ajouter : « Nous avons besoin d’un dialogue avec la Russie, qui, en raison de notre géographie et de notre histoire, est un acteur clé de cette sécurité européenne que nous essayons de construire ».
M. Macron a reconnu qu’en raison de leur position géographique et de leur histoire, tous les pays de l’UE n’avaient pas la même attitude vis-à-vis de la Russie, et a déclaré que c’était la raison pour laquelle il s’engageait dans des visites bilatérales pour expliquer sa position.
Le président français a également déclaré qu’il était prêt à intégrer dans ce dialogue l’ensemble des questions de sécurité, « y compris les missiles à moyenne portée en Europe et la capacité nucléaire ».
« Je vous rappelle que, suite à une décision unilatérale des États-Unis, nous ne sommes plus couverts par le traité INF, ce qui est préoccupant pour les pays d’Europe centrale et orientale », a déclaré M. Macron.
L’INF, en français Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire est un traité visant le démantèlement par les États-Unis et l’URSS (puis la Fédération de Russie) d’une catégorie de missiles emportant des charges nucléaires ou conventionnelles. Les deux parties s’en sont retirées en 2019 à la suite de tensions politiques.
Concernant l’Ukraine, M. Macron a déclaré qu’avec le chancelier allemand Olaf Scholz, il avait proposé un nouveau cycle de pourparlers sur la désescalade dans l’est de l’Ukraine, dit « format Normandie ».
Le format Normandie qui est chargé de mettre en œuvre l’accord de Minsk de 2014, comprend l’Ukraine, la Russie, l’Allemagne et la France, et a été largement infructueux au cours des deux dernières années. Des diplomates ont toutefois confié à EURACTIV que Kiev n’était pas intéressé par l’accord, car s’il était rempli, il créerait une puissante force politique pro-russe au sein du parlement ukrainien.
Mme Von der Leyen a également déclaré que toute solution aux tensions actuelles impliquerait l’Europe. Elle a déclaré que l’UE était très active dans le soutien à l’Ukraine.
« Je me suis rendue sur place en octobre. Nous offrons à l’Ukraine un énorme soutien financier : 6 milliards d’euros. Nous sommes indispensables pour la sécurité énergétique de l’Ukraine. L’UE a également imposé des sanctions à la Russie en raison de son agression », a-t-elle déclaré, ajoutant que les pays de l’UE constituent la majorité des membres de l’OTAN, qui, selon elle, a un « rôle crucial » dans ce dialogue.