La Croatie souhaite abandonner la procédure d’arbitrage sur le différend frontalier qui l’oppose à la Slovénie, sur fond de soupçons de partialité d’un des juges slovènes et malgré les appels de Bruxelles à poursuivre le processus.
Croatie s’est montrée mercredi déterminée à abandonner un arbitrage sur un différend frontalier avec la Slovénie, compromis par des accusations de partialité contre un juge slovène, malgré une mise en garde de la Commission européenne qui l’a sommée de ne pas le faire.
Les élus du Parlement croate, réunis en session extraordinaire, ont engagé, par un vote à l’unanimité, le gouvernement à se retirer de ce processus d’arbitrage.
>>Lire : La Slovénie et la Croatie ont choisi les arbitres de leur conflit frontalier
« Les principes fondamentaux du processus d’arbitrage, qui sont l’honnêteté, la légalité, l’indépendance et la crédibilité, ont été systématiquement et grossièrement enfreints, au détriment de la Croatie », affirme-t-on dans la résolution votée.
Ce différend frontalier, né de la demande de la Slovénie d’avoir un accès direct aux eaux internationales -plus précisément dans le Golfe de Piran, dans le nord de l’Adriatique-, a envenimé les relations entre ces deux anciennes républiques yougoslaves depuis la dissolution de la fédération communiste au début des années 1990, avant d’être porté en novembre 2009 devant la Cour permanente d’arbitrage (CPA) de La Haye.
Processus d’arbitrage
Peu avant le vote des élus croates, la Commission européenne a pourtant fait savoir à Bruxelles qu’elle ne voyait pas d’autre option « viable » que le « processus d’arbitrage » pour régler ce différend entre ces deux États membres de l’Union européenne.
La Slovénie également affirme que la Croatie n’a pas le droit d’abandonner unilatéralement le processus.
>>Lire : Les relations entre la Croatie et la Slovénie mises à mal par une saucisse
« Soyons clairs : même si le Parlement croate vote en faveur d’un retrait (…), le tribunal d’arbitrage restera en place et continuera à travailler », a insisté la porte-parole de la Commission, Mina Andreeva.
La Commission « attend de la République de Croatie qu’elle s’en tienne à ses engagements et continue de soutenir le processus d’arbitrage », a-t-elle ajouté.
Réagissant à cette mise en garde, la Croatie a aussitôt rétorqué qu’il s’agissait d’une affaire qui, selon son gouvernement, ne concernait pas Bruxelles.
« L’accord d’arbitrage ne relève pas de la responsabilité de la Commission européenne. Il s’agit d’un accord bilatéral entre deux États membres qui sont égaux », a déclaré à l’AFP un porte-parole du gouvernement croate, Nikola Jelic.
Décision en décembre
Le tribunal devait rendre sa décision en décembre, mais la publication la semaine dernière par la presse locale de retranscriptions de communications mettant en cause la partialité d’un représentant slovène devant ce tribunal, le juge Jernej Sekolec, a provoqué la colère de la Croatie.
L’affaire a été baptisée « Pirangate » par la presse croate.
« Une telle erreur s’est produite dans le processus qu’il ne peut pas être poursuivi (…) On ne peut faire rien d’autre que de se retirer », a affirmé mercredi le premier ministre croate Zoran Milanovic, devant les députés.
>>Lire : Herman Van Rompuy salue « la maturité » de la relation Croatie-Slovénie
Le gouvernement croate doit maintenant officiellement entamer une procédure pour annuler un accord signé en novembre 2009 avec la Slovénie, par lequel les deux pays se sont engagés à régler leur différend frontalier par un arbitrage devant la CPA.
Baie de Piran
Leur différend porte notamment sur la petite baie de Piran, jugée vitale par la Slovénie dont l’accès à la mer Adriatique se limite à 46 kilomètres de côtes, contre quelque 1.700 km pour la Croatie.
D’après des éléments révélés par la presse, Me Sekolec discutait avec une déléguée slovène chargée du dossier de la tactique à adopter pour avantager la Slovénie dans cet arbitrage, violant ainsi l’obligation d’impartialité faite au juge.
M. Sekolec a démissionné, permettant à Ljubljana de nommer un autre juge, mais sans pour autant modifier la position de Zagreb.
Le gouvernement slovène souhaite poursuivre le processus et a nommé mardi le Français Ronny Abraham, qui préside actuellement la Cour internationale de justice (CIJ), pour le représenter.