Un député européen frontiste a appelé Emily O’Reilly à se pencher sur la discrimination des minorités politiques au Parlement européen, dont il s’estime de plus en plus victime depuis le Brexit.
La médiatrice européenne, qui ferraille depuis son élection en 2013 contre les conflits d’intérêts, le pantouflage et lutte pour la transparence des institutions européennes, ne s’attendait pas à être appelée à la rescousse par … le Front national.
Lors d’une audition devant des députés français le 7 février, Emily O’Reilly a pourtant été interpellée par l’eurodéputé frontiste Bruno Gollnish.
Élu depuis 28 ans au Parlement européen, ce proche de Jean-Marie Le Pen, accusé comme certains de ses confrères d’emploi fictif d’assistant parlementaire, a vu une partie de ses indemnités parlementaires suspendues.
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L’élu a estimé que l’exercice d’une fonction militante « de manière bénévole » par son assistant parlementaire ne lui semblait pas être un conflit d’intérêts, « c’est le cas des assistants-parlementaires toute formation politique confondue ».
Comme plusieurs des parlementaires du Front national, Bruno Gollinsh a été sommé de rembourser les salaires versés à un de ses assistants parlementaires rémunérés grâce à l’argent de l’institution. Alors que les missions de ces derniers n’étaient pas en lien avec son mandat d’élu européen.
La présidente du FN et candidate à l’élection présidentielle, Marine Le Pen, a elle aussi été sommée de rembourser les salaires versés à certains de ses assistants.
« J’ai bien l’intention de saisir la médiatrice européenne, car je crois que les procédures internes au Parlement européen sont de la compétence du médiateur, car nous sommes des citoyens européens comme les autres », a-t-il affirmé. « La politisation de l’administration du Parlement européen, et ses agissements répétés à l’égard de l’ensemble des membres de la minorité, en particulier depuis le Brexit, est un problème qui requière l’attention de la médiatrice », a-t-il martelé.
La médiatrice a répondu « n’avoir pas de rôle à à jouer dans la sphère politique des parlementaires », sans laisser entendre qu’elle comptait donner suite aux demandes de l’élu d’extrême droite. De son côté, la présidente de la commission des affaires européennes, Danielle Auroi, a pointé du doigt que ce genre de demande ne relevait pas du mandat de la médiatrice.
Un poste destiné à contrer le populisme
La médiatrice européenne est chargée depuis 2013 de veiller sur la transparence des institutions européennes, et peut s’autosaisir ou donner suite à des plaintes concernant le fonctionnement institutionnel à Bruxelles.
Parmi ses objectifs, Emily O’Reuilly a souligné sa volonté de lutter contre la montée du populisme en renforçant l’irréprochabilité des institutions,
« Rendre les institutions plus transparentes ne résoudra pas tous les problèmes d’insatisfaction des citoyens, mais cela est nécessaire », a-t-elle rappelé.
Parmi les dossiers sur lesquelles la médiatrice compte avancer dans les mois à venir figure notamment l’encadrement du pantouflage. Un sujet qui a été sous les feux de la rampe avec le départ de l’ancien président de la Commission européenne, José Barroso, pour la banque d’affaires Goldman Sachs.
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Si la Commission a accepté de rallonger la durée de pantouflage, « l’acceptation de certains postes resterait problématique même 3 ou 5 ans après ».
Par ailleurs, « la Commission refuse toujours de publier les opinions du comité d’éthique sur les activités envisagées par les commissaires après leur mandat », souligne-t-elle. « Le problème, c’est que ce comité d’éthique n’est pas indépendant, car c’est la Commission qui nomme ses membres. »
L’affaire Barroso a laissé un gout amer à Bruxelles, où la Commission n’a pas réagi de manière assez forte. « Pendant trois mois, la Commission a dit qu’il n’avait rien fait d’illégal », rappelle la médiatrice.
Emily O’Reilly compte maintenant rouvrir le dossier du code de conduite des commissaires. « J’ai reçu un courrier de fonctionnaires européens il y a quelques jours qui sont mécontents de la manière dont la Commission a géré l’affaire Barroso ».