Cet article fait partie de l'édition spéciale Région alpine : 48 territoires se mobilisent pour répondre aux défis communs.
Face au changement climatique et à l’aspiration grandissante de préserver le patrimoine naturel et culturel, le tourisme de montagne se réinvente. Plusieurs projets soutenus dans la cadre de la Stratégie de l’Union européenne pour la région alpine (SUERA) s’attellent à cette transformation des territoires.
Parmi les projets en cours, le Plan Intégré Territorial PARCOURS, soutenu par le programme européen INTERREG ALCOTRA France-Italie, vise à promouvoir la coopération entre les territoires frontaliers alpins. Initié en 2018, ce dernier s’étend jusqu’en 2022 et représente un investissement de 6,67 millions d’euros, financé par le Fonds Européen de Développement Régional (FEDER) à hauteur de 83,5 %. Plusieurs municipalités – françaises, italiennes et suisses – sont impliquées dans son développement.
Les Alpes, entre nature et culture
Quatre projets s’articulent dans le cadre de ce plan dont le « Parcours des patrimoines, de passages en châteaux ». Objectif : valoriser et promouvoir le patrimoine culturel afin d’augmenter l’attractivité du territoire. Les axes de travail vont de la restauration des sites au renouvellement des programmes de muséographie, en passant par la mise en réseau à la fois des sites et des différents acteurs du territoire – population et professionnels. Six sites sont ainsi mis en avant, tels que le site préhistorique de Pré Saint-Didier côté italien ou le château de Bonneville, un ancien château fort du XIIIe siècle, côté français.
Un autre projet s’articule autour de l’interprétation de patrimoines naturels et culturels. « Nous cherchons à proposer un discours coordonné et complémentaire aux visiteurs du massif du Mont-Blanc », a expliqué à Euractiv France Aurore Leroy, responsable du pôle développement du territoire de la Communauté de communes Pays du Mont-Blanc. L’idée étant de pouvoir faire connaître aux touristes l’ensemble des nombreux sites à découvrir de la région.
Le projet passe également par les technologies numériques et l’innovation. « Nos partenaires italiens de la vallée d’Aoste se sont réunis pour mettre en place un outil numérique », poursuit Mme. Leroy. Le col du Grand-Saint-Bernard par exemple, situé à 2473 m d’altitude à la frontière italo-suisse, est un espace qui n’est accessible qu’entre juin et fin septembre. « Cet outil numérique permettra aux visiteurs sur place de pouvoir découvrir sur leur smartphone ou leur tablette, grâce à la réalité virtuelle et augmentée, des images de ce lieu en hiver, superposées au paysage devant lequel ils se trouvent ».
La communauté de commune Pays du Mont-Blanc compte en outre sur son territoire deux réserves naturelles, celle de Contamines-Montjoie, la plus haute d’Europe, et celle de Passy. Près du chalet d’accueil des visiteurs de cette dernière, une coursive va être construite, avec une vue imprenable sur le Mont-Blanc.
« Cela va permettre également de montrer les différents scénarios climatiques, avec notamment la remontée de la végétation à l’horizon 2050, 2100, ce qui sensibilisera sur la question : aujourd’hui on l’appelle le Mont-Blanc, mais demain est-ce que ce sera le Mont-Vert ? On voit bien actuellement qu’avec le réchauffement climatique, les étages de végétation remontent beaucoup et rapidement ». Le Plan Intégré Territorial PARCOURS prévoit d’ailleurs un autre projet axé sur la mobilité durable.
Hauteurs de neige en baisse
En avril 2021, une premier dépôt de nouveaux projets aura lieu dans cadre du programme INTERREG Espace alpin. Parmi eux, un réseau de Stations en transition transfrontalier qui a été présenté en février dernier à l’occasion de la présidence française de la SUERA par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) et son Laboratoire EcoSystèmes et Sociétés En Montagne (LESSEM)
« Les stations de sports d’hiver doivent aujourd’hui s’adapter au changement climatique, explique Emmanuelle George, chercheur à l’INRAE. Les hauteurs de neige sont en baisse tendancielle depuis ces 50 dernières années. La variabilité des conditions d’enneigement est de mise entre saisons hivernales et au sein d’une même saison hivernale ».
C’est dans ce cadre que INRAE et Météo France ont développé des indicateurs des conditions d’enneigement sur les domaines skiables, en période passée comme en projection selon les scénarios du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Ils pourraient ainsi servir d’outils dans le processus de décisions des gestionnaires de domaines skiables et des collectivités locales.
En parallèle, les stations doivent se diversifier. Outre le changement climatique, « les touristes sont en demande d’un panel d’activités différentes et complémentaires au ski, comme le trail ou le VTT, mais aussi les activités axées sur le patrimoine culturel ou environnemental, poursuit Mme. George. Pour comprendre ces évolutions, nous avons suivi de près les processus de diversification touristique dans les 35 espaces valléens du massif des Alpes, qui sont soutenus par des politiques publiques menées par l’Etat, les régions et l’Europe ».
Le projet vise ainsi à donner une vision aussi transversale que possible sur les enjeux actuels de transition touristique, notamment en documentant les différents processus qui y sont liés. L’idée est aussi d’accompagner les acteurs des stations en tenant compte de leurs vulnérabilités et de leurs ressources – altitude, présence de parcs protégés, d’agricultures, de bassins urbains à proximité, etc. – afin qu’ils puissent construire leur propre « chemin de transition ». S’il est validé, le projet pourrait débuter en 2022.
Une histoire millénaire à préserver
Mais les Alpes représentent aussi des siècles d’histoire. La SUERA a également permis de soutenir le projet Via Claudia Augusta. Il y a 2000 ans, les Romains ont prolongé les voies et les chemins des Étrusques, des Rhétiques et des Celtes jusqu’à créer la première route transeuropéenne à travers les Alpes, achevée sous l’empereur Claude vers 46 après J.-C.
Celle-ci s’étendait d’Altinum, près de Venise ou d’Ostiglia sur le Pô, jusqu’au Danube bavarois. Elle reliait l’Italie actuelle à l’Allemagne en passant par les Alpes, ainsi que les régions situées le long de la route au monde entier connu à l’époque. Le projet a ainsi permis de revitaliser cette route millénaire via des parcours culturel, de marche, de vélo mais aussi gastronomique. Autant de bonnes raisons de préserver au mieux ce patrimoine afin qu’il perdure encore de nombreux siècles.