Neuf États membres de l’UE ne se sont pas explicitement engagés à réformer leur système de retraite dans leurs plans de relance et de résilience, et ce malgré les recommandations de la Commission en la matière formulées lors du Semestre européen de 2019, selon des documents et déclarations de la Commission transmis à EURACTIV.
En 2019, au cours du Semestre européen, 17 États membres de l’UE ont reçu des recommandations sur la « viabilité à long terme des finances publiques ». Il a été recommandé aux 15 États membres de réformer spécifiquement leurs systèmes de retraite. Certains d’entre eux ont de nouveau été invités à mener les réformes de leur système de retraite en cadre du plan Next Generation EU et encore en 2022.
Contactée par EURACTIV, la Commission estime que seuls six des 15 pays ont « explicitement » prévu de réformer leurs systèmes de retraite respectifs, tandis que les neuf autres sont en retard, ou plutôt ne se sont pas officiellement engagés. Il s’agit de la République tchèque, l’Allemagne, la France, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas et la Pologne.
Pour ces États membres, les réformes permettraient « d’améliorer la viabilité budgétaire », même s’ils sont « identifiés comme présentant des risques pour la viabilité des finances publiques en raison du vieillissement des habitants », a déclaré récemment la Commission à EURACTIV.
La Commission considère « qu’ils devraient assurer le suivi des recommandations spécifiques […] et des engagements pris dans leurs plans de relance et de résilience » pour « limiter l’impact budgétaire du vieillissement des habitants ».
L’Allemagne, bien qu’elle ait accepté de prendre des mesures pour augmenter progressivement l’âge légal de la retraite à 67 ans d’ici 2031, doit procéder à des « ajustements additionnels » pour préserver le système de retraite à long terme, selon la Commission. Actuellement, le pays discute de mesures visant à augmenter le montant des pensions et la stabilité de ce montant à l’avenir, car les mesures liées à l’âge n’ont pas fait partie de la campagne électorale du chancelier Olaf Scholz.
La France n’a pas formalisé ses projets de réforme des retraites dans les documents budgétaires transmis à la Commission, mais l’institution note la volonté du gouvernement français de mener une « réforme ambitieuse », qui devrait notamment augmenter l’âge légal de la retraite de 62 à 64 ou 65 ans.
Cependant, les recommandations de la Commission pour la France se concentrent principalement sur la nécessité de « normaliser progressivement les règles des différents systèmes de retraite afin de renforcer l’équité du système tout en soutenant sa viabilité ». Cela présente également un intérêt pour le gouvernement français.
Ces systèmes spéciaux sont nombreux et permettent un départ à la retraite plus précoce ou un calcul plus avantageux du montant de la pension. Le sort de la réforme dépend toutefois du consensus qui pourrait se dégager au parlement, où la coalition du président Macron n’a pas la majorité absolue et doit obtenir les voix de la droite pour faire passer le texte.
En République tchèque, il existe une volonté politique de réformer le système de retraite en 2023 ou 2024 et de faire augmenter l’âge de départ à la retraite, qui est actuellement de 63 ans, conformément aux recommandations de la Commission, même si cela n’a pas encore été rendu officiel.
L’Italie a des « déséquilibres [fiscaux et macroéconomiques] excessifs », mais le Semestre européen ne propose pas de nouvelles réformes des retraites. Le pays pourrait se concentrer principalement sur des recommandations fiscales, qui pourraient avoir un meilleur effet. Certes, la réforme « Fornero », modifiée en 2019, a déjà établi l’âge de départ à la retraite à 67 ans.
Certaines mesures qui visaient à établir des mécanismes de retraite précoce, mises en œuvre sous le gouvernement de Giuseppe Conte à la demande de Matteo Salvini, sont censées être temporaires.
À présent, le gouvernement de Giorgia Meloni vise l’âge de départ à la retraite de 62 ou 63 ans, ou la garantie d’une pension à ceux qui ont cotisé pendant 41 années, quel que soit leur âge.
Toutefois, le rapport « Perspectives de l’OCDE sur les pensions 2022 » souligne que, d’une manière générale, les systèmes de retraite italiens devraient s’améliorer et que l’incertitude économique et financière actuelle et l’augmentation du coût de la vie pourraient avoir incité les responsables politiques et les autorités de réglementation à reporter les réformes.
La retraite précoce est également préoccupante au Luxembourg et à Malte, selon la Commission.
« Réformer les régimes de retraite préférentiels » est également nécessaire en Pologne, selon la Commission qui a réitéré sa recommandation de 2019 qui se poursuit, selon elle, sans être respectée.
En Pologne, il existe des régimes de retraite spéciaux en fonction de la profession. Par exemple, les policiers, les journalistes et les juges peuvent solliciter une retraite précoce à la suite de 25 années de cotisations, alors que la moyenne est de 33,6 années pour le reste des habitants.
Pour les autres pays, l’UE n’a pas formulé de recommandations spécifiques sur le système de retraite. En effet, ces pays ont déjà un âge de départ à la retraite d’environ 65 ans, ou visent à l’atteindre dans les années suivantes. Ce sera le cas en Finlande et en Bulgarie d’ici 2027 et également en Autriche, alors qu’en Suède, l’âge moyen de départ à la retraite se situe déjà entre 64 et 65 ans.
L’une des seules exceptions est la Slovénie, où l’âge de départ à la retraite est de 61 ans et six mois pour les femmes et de 62 ans et huit mois pour les hommes. Le pays ne prévoit pas de présenter de réformes liées à l’âge à ce stade et ne fait pas l’objet de recommandations spécifiques qui ont déjà été respectées en 2019.
La réforme des retraites dans l’UE est toujours nécessaire, en particulier en raison de « l’augmentation rapide des coûts du vieillissement », mais également « d’autres défis urgents », a déclaré la Commission. Elle a expliqué à EURACTIV que « les marges budgétaires sont souvent insuffisantes pour les absorber de manière durable ».
[Contributions par : Aneta Zachová, Bartosz Sieniawski, Charles Szumski, Davide Basso, Jonathan Packroff, Krassen Nikolov, Laura Miraglia, Michal Hudec, Oliver Noyan, Pekka Vanttinen, Sebastijan R. Maček et Sofia Stuart Leeson | EURACTIV République tchèque, EURACTIV Pologne, EURACTIV.com, EURACTIV France, EURACTIV Allemagne, EURACTIV Bulgarie, EURACTIV Italie, EURACTIV Slovaquie, sta.si]