Lors de son audition devant trois commissions parlementaires pour son nouveau poste au sein de la Commission, Günther Oettinger a soigneusement évité les questions gênantes des eurodéputés sur ses faux pas des derniers mois.
Une poignée d’eurodéputés a interrogé Günther Oettinger durant deux heures et demie le 9 janvier, lors d’une audition où ils lui ont demandé d’expliquer son trajet dans le jet privé d’un lobbyiste et ses commentaires sur les Chinois, les homosexuels et les quotas de genre.
Une grande majorité des questions s’est concentrée sur des détails du budget européen, dont le commissaire s’occupe depuis un peu plus d’une semaine. Günther Oettinger en effet a été choisi pour reprendre le portefeuille du budget et des ressources humaines.
À l’approche de l’audition, les eurodéputés avaient tenu des propos sévères envers les faux pas du commissaire allemand. Il est néanmoins sorti indemne du bâtiment du Parlement, après s’être excusé pour ses commentaires du mois d’octobre, avoir promis d’augmenter le nombre de femmes occupant des postes à responsabilité à la Commission et donné un aperçu de là où il se situait dans le budget européen, entre les comptes post-Brexit de l’UE et les Pass Interrail gratuits.
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Ingeborg Gräßle, chrétienne-démocrate allemande à la tête de la commission parlementaire « contrôle budgétaire », a déclaré après-coup que la plupart des eurodéputés dans son groupe pensaient que Günther Oettinger avait « l’expérience requise pour reprendre le portefeuille sur le budget ». Les eurodéputés des commissions budgets et affaires juridiques étaient aussi présents pour interroger le commissaire.
Les eurodéputés de ces trois commissions diront à la Commission européenne d’ici à la fin de la semaine s’ils approuvent ou non le transfert de Günther Oettinger au poste de responsable du budget.
Leur opinion n’est pas contraignante – Günther Oettinger a déjà pris son poste après avoir laissé son ancien portefeuille économie numérique –, mais un avis négatif pourrait bloquer son ascension vers le poste encore mieux rémunéré de vice-président, que détenait sa prédécesseure, Kristalina Georgieva.
Questions d’éthique
Lorsque l’eurodéputée tchèque Martina Djalbajova (ALDE), lui a demandé s’il comptait faire une proposition sur l’utilisation adaptée des jets privés, Günther Oettinger n’a pas répondu, affirmant qu’il avait déjà traité de cette réunion controversée dans une réponse écrite soumise quelques jours avant l’audition.
En mai 2016, Günther Oettinger est monté à bord de l’avion privé d’un lobbyiste qui consultait le gouvernement hongrois sur un projet de centrale nucléaire, alors qu’une enquête de la Commission était en cours.
« Peut-être s’agit-il d’un lobbyiste avec lequel vous êtes ami depuis quatre ans », a répliqué le commissaire, expliquant aux eurodéputés qu’il rencontrait des lobbyistes de tous les secteurs industriels et des ONG. « Est-ce du lobbying ? Vous pouvez tomber sur quelqu’un à l’aéroport, alors que vous êtes assis en train de lire le journal, les gens vous connaissent. Vous êtes visibles donc les gens vous parlent », a-t-il poursuivi.
Dans sa réponse écrite la semaine dernière, Günther Oettinger a précisé aux eurodéputés que le lobbyiste en question n’avait pas officiellement demandé une rencontre et que le gouvernement hongrois avait simplement suggéré qu’il se greffe à ce vol-là.
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Un groupe d’ONG a demandé à la Commission Juncker de retirer la nomination de Günther Oettinger au poste des ressources humaines, expliquant que ses dérapages déontologiques devraient le disqualifier pour ce poste.
« L’intégrité du leadership de l’UE et sa responsabilité sont en jeu », a déclaré Yannick Bendel, responsable politique chez Transparency International.
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Flagorneries budgétaires
Certains des eurodéputés présents ont néanmoins été désarmés par les promesses de Günther Oettinger vis-à-vis du budget. Le poste a pris de l’importance au sein de la Commission en mesure que les inquiétudes grandissaient sur l’avenir budgétaire de l’UE après la sortie du Royaume-Uni, un des plus grands contributeurs net.
Par ailleurs, Günther Oettinger a rassuré les responsables de la Commission inquiets du budget de l’UE post-Brexit en rappelant son influence à ce sujet sur les dirigeants allemands. « Je dois discuter avec Merkel et Schäuble, mais il se pourrait que le rapport Monti ne soit pas abandonné », a-t-il déclaré, faisant référence à un rapport réalisé par un groupe de politiques européens dirigé par l’ancien commissaire Mario Monti.
Günther Oettinger a aussi déclaré aux eurodéputés qu’il comptait maintenir les plans du budget européen jusqu’à leur expiration en 2020, même si les négociations sur le Brexit étaient conclues avant et que l’UE se retrouvait pendant un an avec un budget beaucoup plus bas que prévu.
« Certains considèrent que si le Brexit prend véritablement effet fin 2019, le cadre financier pluriannuel [MFF, le budget européen à long terme] devrait être arrêté. Je suis ouvert à cette idée, mais j’ai des réserves. Mes experts estiment que cela entrainerait des risques énormes », a-t-il expliqué.
Cette année, la Commission européenne est censée proposer un nouveau budget qui couvrira plusieurs années et remplacera le cadre actuel. L’Allemagne est le plus grand contributeur du budget européen, suivie par le Royaume-Uni.
Lorsqu’un eurodéputé lui a demandé si le Royaume-Uni devrait s’acquitter des retraites des citoyens britanniques qui se retireront des institutions européennes lorsqu’il quittera l’UE et arrêtera de contribuer au budget européen, Günther Oettinger a répondu à demi-mot en insistant seulement sur le fait que le Brexit n’aurait « pas de conséquences négatives sur le personnel de la Commission ».
« Malheureusement, nous avons très peu de personnel d’origine britannique à la Commission. Mais finalement, dans ce cas ce malheur est à notre avantage », a-t-il précisé.
Environ 1 730 citoyens britanniques reçoivent actuellement une retraite de l’UE pour avoir travaillé au sein des institutions lors de ces quarante dernières années.
Par ailleurs, lors de l’audition du 9 janvier, Günther Oettinger a donné un os à ronger aux eurodéputés qui l’ont interrogé sans relâche sur le budget, en leur disant qu’il voulait remettre en place le plan pour mettre fin au chômage de jeunes dans le nouveau budget. À l’automne dernier, les eurodéputés s’étaient accrochés au plan et avaient affronté les gouvernements nationaux lorsque ces derniers avaient voulu couper les financements d’un programme aidant à l’insertion professionnelle des jeunes.
Le commissaire allemand a également radouci l’humeur des eurodéputés de son parti de centre-droit en promettant de soutenir le projet d’offrir des pass Interrail gratuits aux jeunes européens de 18 ans. Manfred Weber, chef de file du Parti populaire européen, a lancé cette idée l’année dernière dans le but de retrouver le soutien du public européen.
« Je pense que ce projet sera une réussite, mais il doit s’ajouter à Erasmus », a-t-il affirmé aux eurodéputés.
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