L’ancien premier ministre italien Mario Monti a présenté des premières conclusions très prudentes sur la réforme des ressources propres de l’UE. Et anticipe des retouches plutôt qu’une transformation du système, tant les intérêts divergents.
«La réforme du financement du budget européen est indispensable, même s’il s’agit d’une « mission impossible » : pour Jean Arthuis, le président de la commission des budgets du Parlement européen, le constat est clair et net.
Un groupe de travail de haut niveau sur les ressources propres de l’UE, tente de trouver des solutions à ce dossier épineux.
>>Lire : Les détails du projet d’accord sur le budget 2014-2020
Première évaluation
Après plusieurs mois de travail, Mario Monti, le président de cette task-force composée de membres des trois principales institutions européennes – Commission, Conseil et Parlement – est venu présenter le 5 février son évaluation préliminaire devant les eurodéputés membres de la commission des budgets. Et cette première évaluation n’est pas tendre avec le système actuel de financement.
>>Retrouver la vidéo du lancement du groupe de haut niveau sur les ressources propres de l’UE
Dépendance du budget
Une des principales faiblesses du budget de l’UE est son manque d’autonomie. En effet, une très large majorité du budget européen ne provient pas de ressources propres, mais des contributions des États membres, calculées au prorata de leur poids économique, et soumises à de nombreux exceptions et aménagements, comme le rabais britannique.
Une répartition qui pousse les Vingt-huit à marchander âprement leur participation respective au budget européen. « Environ 83 % des ressources du budget 2014 proviennent de contributions directes des budgets nationaux. Cette configuration a rendu les négociations budgétaires encore plus acrimonieuses » a dénoncé Mario Monti lors de son audition.
L’eurodéputé français Alain Lamassoure, membre du groupe de haut niveau, ne mâche pas ses mots contre le mécanisme qui prévaut actuellement. « Le système de financement du budget européen est opaque, non démocratique, anti-européen, inefficace et injuste puisque les pays les plus pauvres payent relativement plus que les pays riches » a-t-il déclaré. Une situation qui perdure, car la majorité des ministres des Finances des États membres « ne sont même pas au courant de cette situation » regrette-t-il.
Ménager la chèvre et le chou
Mais le principal obstacle demeure les profondes divergences d’intérêts des parties prenantes. « II faut voir les forces en présence pour savoir si une réforme peut aboutir ou échouer » a reconnu Mario Monti. « Les positions ne sont pas homogènes au sein du groupe et nous n’allons pas pouvoir éluder ces intérêts divergents » a-t-il indiqué.
« Il faut un paquet de mesure afin que chaque État puisse retirer quelque chose de positif et que la pilule passe mieux » a résumé le président du groupe.
L’Italien a d’ailleurs indiqué que des aménagements plutôt qu’une réforme en profondeur paraissaient plus probables. Une manière de réfréner les attentes parlementaires sur la mise en place d’une taxe sur les transactions financières européennes ou encore d’une taxe carbone pouvant abonder le budget de l’UE.
>>Lire : Le financement du budget européen remis à plat
Si la conciliation s’annonce délicate, la réussite de cette réforme apparait comme indispensable. « C’est un sujet sur lequel il est politiquement impossible de réussir, mais sur lequel il faut réussir. Sans réponse, c’est la mort lente et inexorable de l’UE » a affirmé Alain Lamassoure.
La difficulté n’est pas nouvelle. Depuis 2006, le Parlement pousse à une réforme du financement du budget. Mais ce sont les négociations tumultueuses du cadre pluriannuel de l’UE pour 2014-2020 qui ont déclenché la mise en place du groupe. Et l’accumulation des factures impayées du budget communautaire qui en a confirmé l’urgence.
>>Lire : Jean Arthuis: « La dette de l’UE est contraire aux traités »
Des pistes à explorer
Le premier rapport présente des conclusions assez largement acceptées, mais le second devra formuler des recommandations sur les nouvelles ressources possibles. « Le deuxième rapport sera plus difficile, car on y fera le choix quel type de ressource propre est indiquée » a expliqué l’eurodéputé Guy Verhofstadt, également membre du groupe de haut niveau.
La règle de l’unanimité
La prudence de l’évaluation préliminaire du groupe d’expert s’explique aussi par la difficulté de ratification de toute réforme sur la question fiscale. En effet, tout changement dans les règles de financement du budget européen requiert un vote à l’unanimité du Conseil. Une règle qui oblige la réforme à tendre vers le consensus plutôt que le changement radical, afin de ne pas échauder les États membres.
Autres partenaires indispensables de cette vaste renégociation, les Parlements nationaux, qui devront également ratifier toute réforme des règles de financement.