Les négociations sur un accord commercial post-Brexit entre l’UE et le Royaume-Uni semblent plus compromises que jamais, après que les négociateurs en chef des deux parties se sont mutuellement reproché, vendredi 15 mai, l’« impasse » au cœur des pourparlers.
À l’issue du troisième cycle de négociations qui a eu lieu par téléconférence le 15 mai entre l’UE et le Royaume-Uni, impliquant quelque 250 interlocuteurs de chaque côté, le négociateur en chef britannique, David Frost, a regretté que « très peu de progrès vers un accord sur les plus importantes questions qui nous concernent » aient été réalisés.
Les principaux obstacles à un accord ont trait à la pêche et à l’insistance de l’UE pour que le Royaume-Uni s’engage à respecter des « règles du jeu équitables » qui empêcheraient chaque partie de damer le pion à l’autre.
Selon David Frost, les exigences de l’UE sont « nouvelles et déséquilibrées ». Il a ajouté qu’elles « lieraient ce pays au droit ou aux normes de l’UE, ou détermineraient nos régimes juridiques nationaux d’une manière inédite dans les accords de libre-échange et qui n’est pas envisagée dans la déclaration politique ».
David Frost a rejeté la faute sur l’UE : « nous avons vraiment besoin d’un changement d’approche de l’UE pour le prochain cycle », a -t-il affirmé.
De son côté, Michel Barnier, le négociateur en chef de l’UE, a déclaré aux journalistes que les exigences de « conditions de concurrence équitables » provenaient de la déclaration politique établie dans le cadre de l’accord de retrait du Royaume-Uni de l’UE, en janvier dernier.
« Ce cycle de négociations a été décevant », a poursuivi Michel Barnier, répétant que « tout accord commercial [devait] être basé sur une concurrence loyale ».
« À l’exception de modestes ouvertures, le Royaume-Uni ne s’est pas engagé dans une véritable discussion sur des conditions de concurrence équitables, quoi qu’il en dise. »
Londres éprouve de la frustration face à la réticence de la task force de Michel Barnier à faire des compromis. Les représentants britanniques ont signalé qu’ils chercheraient à rallier le soutien des différents États membres en publiant leurs textes de négociation la semaine prochaine, « afin que les États membres de l’UE et les observateurs intéressés puissent considérer notre approche en détail ».
Seulement voilà, un seul autre cycle de négociations est prévu pour la première semaine de juin avant une réunion « de haut niveau » entre le Premier ministre britannique Boris Johnson et la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, à la mi-juin. Lors de leur rencontre, ils décideront si un accord est probable avant décembre, et dans le contexte actuel, les perspectives semblent minces.
« L’accord structurera nos relations pour les décennies à venir », a souligné Michel Barnier. « Notre futur partenariat sera déterminé par les choix que nous ferons ensemble cette année. »
Le temps presse et des fonctionnaires de l’UE préviennent en privé qu’une prolongation sera nécessaire pour éviter un scénario de « no deal » (absence d’accord), un point auquel Michel Barnier a également fait allusion.
Le gouvernement Johnson insiste cependant sur le fait qu’il ne demandera ni n’acceptera aucune prolongation de la période de transition post-Brexit – durant laquelle le Royaume-Uni fait encore partie du marché unique – au-delà de décembre.
En ce qui concerne la pêche, le désaccord entre les deux parties porte essentiellement sur le degré d’accès que les navires de pêche de l’UE devraient avoir aux eaux britanniques.
« Bien que nous ayons eu des discussions utiles sur la pêche, fondées sur notre projet de texte juridique, l’UE continue à insister [pour l’obtention de] certaines dispositions et sur l’accès aux zones de pêche britanniques, ce qui n’est pas compatible avec notre futur statut d’État côtier indépendant », a indiqué David Frost.
« Il est difficile de comprendre pourquoi l’UE s’en tient à une approche idéologique qui rend la conclusion d’un accord mutuellement bénéfique plus difficile », a-t-il conclu.
Michel Barnier a concédé pour sa part que les positions des deux parties sur la pêche étaient « extrêmement divergentes ».
« Sans entente sur des conditions de concurrence équitables et sur la pêche, aucun accord sur notre partenariat économique et commercial ne sera possible », a-t-il ajouté.
Michel Barnier a également évoqué les remarques de Michael Gove, le ministre britannique du bureau du cabinet, sur le fait que Londres était prête à renoncer à un accord « sans droits de douane ni quotas » si l’UE campait sur ses positions concernant les conditions de concurrence équitable. Selon le négociateur en chef de l’UE, un tel accord commercial serait « anachronique ».
En tout état de cause, l’UE continuera à demander un engagement ferme en faveur de conditions de concurrence équitables, a-t-il ajouté.
« Nous n’allons pas brader nos valeurs pour le bien de l’économie britannique. Il ne s’agit pas d’un bonus superflu et appréciable, c’est indispensable. »