Le premier ministre britannique, David Cameron, refuse toujours de payer une contribution supplémentaire au budget européen, alors que le commissaire en charge du dossier menace en contrepartie un révision à la baisse du rabais britannique.
La querelle budgétaire entre le Royaume-Uni et la Commission au sujet de l’augmentation de la contribution britannique au budget de l’Union européenne s’intensifie. En cas de non-paiement, le Royaume-Uni serait passible d’une amende pouvant s’élever à 250 000 euros par jour. Ce montant pourrait encore doubler si la facture n’a pas été payée un an après son échéance, selon les informations qu’a pu obtenir EURACTIV.
La nouvelle contribution britannique s’élève en outre à plus des 2,1 milliards d’euros mentionnés jusqu’ici : des sources européennes expliquent en effet que la facture à payer d’ici le 1er décembre se chiffre en réalité à 3,591 milliards.
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Le pays bénéficierait néanmoins d’un rabais de 1,491 milliards en vertu d’un budget rectificatif négocié ces jours-ci et qui devrait être formulé avant l’échéance du 1er décembre. C’est ce budget rectificatif qui limiterait la facture à 2,1 milliards d’euros.
Des contributions calculées en fonction du revenu national brut
Le budget de l’UE est en partie financé par les contributions des États membres, elles-mêmes calculées en fonction du revenu national. L’ajustement de la contribution de chaque État découle de l’évolution de son revenu national brut, qu’il déclare à l’UE.
Si la facture de a Grande-Bretagne s’est tellement alourdie, c’est parce que son institut de statistique, l’Office for National Statistics (ONS), a ramené dans son calcul plusieurs secteurs d’activité, dont l’imposant secteur caritatif, selon les normes européennes. Cette rectification du calcul a ajouté quelque 74 milliards de livres (94 milliards d’euros) au revenu national brut de 2013.
David Cameron s’est adressé au Parlement britannique, où il a à nouveau asséné que cette facture était « inacceptable », et qu’il avait obtenu le soutien de plusieurs pays à ce sujet, la Grèce, l’Italie, Malte, les Pays-Bas « et d’autres ».
« Nous ne payerons pas le 1er décembre et nous ne payerons pas une somme pareille », a-t-il assuré aux députés britanniques de Westminster. Nous contesterons ce montant de toutes les manières possibles et imaginables ». Le premier ministre a même ajouté que « pour utiliser un euphémisme bien britannique, cet épisode n’a pas amélioré la vision de l’UE qu’ont les Britanniques. »
Ed Miliband, président du parti travailliste de l’opposition, a qualifié la gestion de la situation par la Commission européenne de « malheureuse et inacceptable », mais a accusé David Cameron de négligence pour ne pas s’être occupé plus tôt de la question.
« Il dort au volant et ce sont les Britanniques qui payent les pots cassés », a-t-il déclaré devant le Parlement national.
David Cameron risque d’ouvrir la boîte de Pandore
À Bruxelles, le commissaire en charge du budget, Jacek Dominik a exprimé sa surprise face aux journalistes. « Jusqu’ici l’administration britannique n’avait jamais fait mine d’avoir un quelconque problème avec ce montant », a-t-il en effet déclaré.
Les règles européennes en vigueur rendent « impossible » tout délai de paiement. Une modification de ces règles nécessiterait un vote à la majorité qualifiée des gouvernements européens, ce qui serait « extrêmement difficile », selon Jacek Dominik.
Le commissaire au budget explique également que l’augmentation du revenu national brut du Royaume-Uni entrainerait un rabais budgétaire plus important l’an prochain. « Il sera à mon avis extrêmement difficile [pour David Cameron] d’expliquer aux États membres pourquoi il se réjouit de ces chiffres un jour et s’insurge contre le montant à payer le lendemain. » Et le commissaire en charge du budget d’ajouter : « En s’engageant sur cette voie, c’est une véritable boîte de Pandore qu’on ouvre pour les négociations futures ».
Si la facture n’est pas payée le 1er décembre, la Commission européenne demandera au gouvernement britannique de s’expliquer quant aux raisons de ce retard, prévient Jacek Dominik. Si elle n’obtient pas de réponse, la Commission commencerait alors à appliquer des amendes de retard, ajoute-t-il.
Si David Cameron tient ses promesses et ne paye pas ce que le pays doit à l’UE, et si le montant n’a pas été réduit par le budget rectificatif, le paiement des intérêts s’élèverait à environ 2,5 % de la facture totale, avant d’atteindre 5,5 % par an si la situation perdure plus de 12 mois. En cas de non-paiement, les intérêts représenteraient donc 250 000 euros par jour pendant un an, avant de doubler.
Émoi politique au Royaume-Uni
Ces 2,1 milliards d’euros représentent un cinquième de la contribution annuelle versée par le pays à l’UE. Les programmes budgétaires d’application prévoient des rabais pour d’autres pays, comme l’Allemagne et la France, qui a eu beaucoup de difficulté à boucler son budget.
Une réunion d’urgence des ministres des Finances de l’UE a été convoquée le 7 novembre.
Cette querelle budgétaire éclate dans un contexte tendu au Royaume-Uni, à la veille d’élections partielles très attendues qui pourraient voir certains électeurs traditionnellement conservateurs apporter leur voix au parti eurosceptique UKIP (Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni).
Une victoire de UKIP poussera David Cameron à adopter une attitude plus stricte par rapport à l’Europe à l’approche des élections législatives de mai prochain.