Le report du Brexit plane sur les élections européennes

Theresa May a demandé un delai de trois moi pour la sortie de l'UE. [Patrick Seeger/EPA/EFE]

Theresa May a officiellement demandé à l’UE de décaler la date du Brexit au 30 juin. Mais un report au-delà du 23 mai entraînerait une participation de Londres aux élections européennes, inenvisageable pour les Britanniques comme pour les Européens.

La lettre tant attendue de la Première ministre britannique est parvenue au président du Conseil européen, Donald Tusk, et à d’autres dirigeants européens le 20 mars en début d’après-midi, au moment même où les fonctionnaires commençaient à douter de l’utilité de discuter du Brexit au sommet des 21 et 22 mars.

Theresa May s’y dit « confiante » sur la ratification de l’accord de Brexit par les députés de Westminster. La lettre laisse entendre que les élus seront à nouveau confrontés à un choix binaire entre l’acceptation de l’accord de retrait et un scénario « sans accord ».

Elle propose donc une prolongation de trois mois de l’article 50, qui encadre la sortie de l’Union. Un délai plus long, écrit-elle, obligerait le Royaume-Uni à organiser des élections européennes. Outre cette demande de prolongation, Theresa May appelle les dirigeants de l’UE à valider les documents supplémentaires approuvés lors d’une rencontre avec Jean-Claude Juncker à Strasbourg le 11 mars.

May obtient des garanties de dernière minute sur le filet de sécurité

La Première ministre, Theresa May, a obtenu des garanties « juridiquement contraignantes » pour son projet de Brexit. Elle espère convaincre les rebelles de son parti pour adopter l’accord.

La Première ministre avait prévu de tenir un troisième « vote significatif » sur l’accord de Brexit plus tôt cette semaine, mais le président de la Chambre des communes, John Bercow, a pris une décision inattendue, appliquant une vieille règle de procédure selon laquelle on ne peut pas demander aux parlementaires de voter à nouveau sur le même texte. Or, et les Européens le répètent depuis le début, l’accord négocié entre Londres et Bruxelles n’est pas renégociable.

Dans sa lettre, elle déclare avoir toujours l’intention de présenter à nouveau l’accord à l’assemblée. Le texte serait assorti de « propositions nationales confirmant mes engagements antérieurs pour protéger notre marché intérieur, étant donné les inquiétudes exprimées au sujet du filet de sécurité ».

Elle estime par ailleurs que trois mois sont bien suffisants, si la prolongation durait plus longtemps, cela ne permettra qu’à « la Chambre de passer encore plus d’heures à tourner en rond ». Selon la Première ministre, les parlementaires parlent d’Europe depuis trop longtemps et « les Britanniques méritent mieux ».

Dans les prochains jours, le gouvernement britannique devrait déposer une nouvelle proposition législative retardant la date de sa sortie de l’UE.

Les députés britanniques rejettent une nouvelle fois l’accord du Brexit

Les députés britanniques ont retoqué pour la deuxième fois l’accord de Brexit malgré les ultimes modifications obtenues la veille par Theresa May, plongeant le Royaume-Uni dans l’inconnu à 17 jours de la date fatidique.

Limite du 23 mai

Mina Andreeva, porte-parole de la Commission a toutefois indiqué sur Twitter que Jean-Claude Juncker avait prévenu Theresa May de ne pas prolonger plus tard que le 23 mai. Les élections européennes sont en effet organisées du 23 au 26 mai, et si le Royaume-Uni est toujours dans l’Union à cette date, il devra y participer.

Des représentants de Downing Street ont révélé qu’après avoir envoyé sa lettre, la Première ministre a téléphoné au Président de la Commission pour l’informer des derniers développements et le consulter sur la manière de s’adresser au Conseil européen le 21 mars.

Si le Royaume-Uni est toujours membre de l’UE au moment des élections, mais que ses citoyens ne peuvent pas voter, toutes les décisions du prochain Parlement européen pourraient être contestées en justice pour invalidité. Les principaux partis politiques britanniques ont mis en place des plans d’urgence afin de pouvoir sélectionner très rapidement une liste de candidats aux élections européennes, au cas où.

À première vue, les diplomates européens considèrent d’un bon œil la demande de Theresa May. Avant même la réponse de Jean-Claude Juncker, certains soulignaient cependant déjà que le Brexit devrait avoir lieu avant le 23 mai. D’autres diplomates se sont dits soulagés que le délai demandé ne soit pas plus long, ce qui poserait beaucoup plus de risques pour l’UE.

Une courte prolongation qui permettrait au Royaume-Uni de ratifier l’accord de retrait est l’option préférée de la plupart des États membres. Les sources diplomatiques estiment qu’une réponse pourra être donnée à Londres assez rapidement, en quelques jours peut-être. Le Brexit est actuellement fixé au 29 mars.

Après avoir rencontré les ministres des Affaires européennes le 19 mars, le négociateur en chef du Brexit pour l’UE, Michael Barnier, a averti que le Royaume-Uni devrait présenter son projet concret, afin de pouvoir s’assurer qu’à la fin de la prolongation, « nous ne nous retrouvions plus dans la même situation ».

Les 27 plutôt pour

En règle générale, les 27 ne sont pas opposés à un délai si cela permet d’éviter un Brexit sans accord, qui ne serait dans l’intérêt de personne. La décision doit être prise à l’unanimité, ce qui signifie que chaque État membre a la possibilité d’opposer son veto.

Paris partage la position de Michel Barnier.  « Un court délai pour ratifier l’accord Brexit serait bien sûr accordé », juge la ministre des Affaires européennes, Nathalie Loiseau. Par contre, la France s’opposera au report du Brexit s’il n’est pas justifié par une stratégie « crédible » de la part de Londres, a indiqué le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.

« Une situation dans laquelle Theresa May ne serait pas en mesure de présenter au Conseil européen des garanties suffisantes sur la crédibilité de la stratégie conduirait alors à écarter la demande d’extension et à préférer une sortie sans accord », a-t-il souligné devant l’Assemblée nationale.

Une source française avait également concédé il y a deux jours que « s’il s’agit de faire un nouveau référendum, on peut envisager un report de quelques mois ». Le Parti conservateur britannique veut cependant à tout prix éviter cela.

Pour la France, deux critères compteront dans un éventuel soutien à la demande d’extension britannique : la probabilité que le Parlement britannique finisse par ratifier l’accord, mais aussi l’impact de cette extension sur l’Union européenne.

La France veut mettre l'intérêt de l'UE avant celui du Royaume-Uni

Alors que les 28 doivent évoquer, jeudi 21 mars au Conseil européen, une éventuelle extension qui serait accordée au Royaume-Uni pour rester dans l’UE, la France montre les dents.

Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, a fait les gros titres au Royaume-Uni ces derniers jours après avoir comparé son homologue avec le chevalier sans membre du film « Sacré Graal », des Monty Python. « J’ai beaucoup de respect pour Theresa May. Elle me rappelle de temps en temps ce personnage des Monty Python dont les bras et les jambes ont été coupés, mais qui ne se rend pas et propose à son adversaire de déclarer un match nul. »

La Haye est par ailleurs du même avis que Paris : si le Royaume-Uni demande une prolongation, il faudra évaluer la durée demandée et les objectifs qu’un délai permettrait d’atteindre.

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, s’est déclaré le 18 mars en faveur d’un retard du Brexit. « Il est tout à fait logique de se donner un peu de temps pour ne pas en arriver à un Brexit difficile », a-t-il déclaré, ajoutant qu’une sortie chaotique représenterait « de nombreux inconvénients » pour les deux camps. Son ministère fait cependant remarquer que « plus le Brexit est reporté, plus il sera difficile ».

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