Le Royaume-Uni propose une union douanière intermédiaire après le Brexit, le temps de négocier ses propres accords commerciaux, et entend faire accepter cette idée en jouant sur la carte de la frontière irlandaise.
Bruxelles refuse d’entamer les négociations sur la relation future entre l’UE et le Royaume-Uni tant que certaines questions clés, comme celle de la frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande, ne seront pas réglées.
Londres défend toutefois que les sujets de la frontière et des douanes ne peuvent être dissociées, et les a liés dans un document d’orientation publié le 15 août.
Le Royaume-Uni prévoit de quitter le marché unique et l’union douanière européenne lorsque le pays sortira de l’UE, en mars 2019, mais il souhaite toutefois prolonger provisoirement l’accord douanier, qui permet aux marchandises de circuler librement, a indiqué le ministère britannique chargé du Brexit.
Cela permettrait au pays d’avoir « une transition en douceur » susceptible de rassurer le monde économique tout en permettant au pays de mettre en place de nouveaux accords douaniers, a-t-il ajouté.
« Nous avons été très clairs sur le fait que les questions entourant notre sortie de l’UE et le partenariat futur avec elle sont inextricablement liées », a confirmé une source au sein du ministère pour la sortie de l’UE (DEXEU).
Frontière irlandaise
La frontière entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord est la seule frontière terrestre du Royaume-Uni. Une fois le pays effectivement sorti de l’UE, il faudra donc y instaurer une vérification des biens et personnes traversant la frontière.
Personne ne souhaite cependant la réintroduction d’une frontière physique et fermée, qui pourrait perturber l’équilibre fragile qui assure la paix en Irlande du Nord depuis une vingtaine d’années.
Le retour à des postes-frontières, symbole d’une frontière dure, serait « totalement inacceptable pour le Royaume-Uni », a plaidé Londres dans ce texte. Pour cela, deux approches seront proposées à l’UE : un « nouveau partenariat douanier » qui permettrait « qu’il n’y ait pas de frontière du tout entre le Royaume-Uni et l’Irlande », ou bien « des arrangements douaniers », qui pourraient inclure notamment la suppression de déclarations d’entrée et de sortie des biens et des accords commerciaux spécifiques à l’Irlande du Nord.
« Nous pensons qu’il est plus sensé d’avoir une courte période durant laquelle nous maintenons les arrangements actuels », a expliqué David Davis, précisant que cette période transitoire pourrait durer environ deux ans et devrait en tout cas être achevée lors des prochaines élections législatives britanniques, prévues pour 2022.
Le gouvernement irlandais, qui a appelé à « une plus grande clarté » s’est félicité de la décision britannique de publier ses documents d’orientation. Dublin a cependant rejeté toute tentative de débuter les négociations sur l’avenir des relations économiques avec le Royaume-Uni avant la résolution des questions prioritaires, qui incluent aussi les droits des citoyens expatriés et la facture à régler par Londres.
« Le prochain cycle de négociation restera centré sur l’avancement des questions à régler dans la première phase des négociations, donc les droits des citoyens et l’accord financier, ainsi que certains sujets spécifiques à l’Irlande », a déclaré l’exécutif irlandais.
« Vœu pieux »
La réponse de Bruxelles à la proposition britannique est pour l’instant plutôt froide. La Commission européenne a indiqué « prendre note » du document, mais a averti que des échanges « sans friction » n’étaient possibles que dans le cadre du marché unique et de l’union douanière.
Et Michel Barnier a enfoncé le clou sur Twitter : « Plus vite le Royaume-Uni et l’UE à 27 s’accordent sur les citoyens, le solde des comptes et l’Irlande, plus vite nous pouvons discuter douanes et relation future ».
The quicker #UK & EU27 agree on citizens, settling accounts and #Ireland, the quicker we can discuss customs & future relationship.
— Michel Barnier (@MichelBarnier) August 15, 2017
Une opinion apparemment partagée par le député travailliste europhile Chris Leslie, qui estime que cette proposition d’union douanière temporaire n’est qu’un « vœu pieux »: « Il est fantaisiste de prétendre que nous pouvons avoir les échanges commerciaux les plus libres possibles et sans conflit avec notre premier partenaire alors que le gouvernement reste déterminé à sortir le Royaume-Uni de l’union douanière ».
L’eurodéputé belge Guy Verhofstadt a qualifié sur Twitter de « fantasme » cette volonté d’« être dedans et en dehors de l’union douanière » et d’avoir « des frontières invisibles ».
Quant au champion du Brexit Nigel Farage, il a estimé que cette proposition signifiait en fait la poursuite de l’appartenance du pays à l’UE. Prédisant que rien ne changerait concernant l’immigration, le pouvoir de la Cour européenne de justice ou les paiements à l’UE, il a souligné sur la BBC qu’« aucun de ces trois éléments n’est acceptable pour ceux qui ont voté le Brexit ».