La santé mentale des Ukrainiens, et plus généralement des personnes en exil, était au coeur des discussions de la coalition pour la santé mentale de l’OMS réunie pour la première fois mercredi 4 mai, en présence de la commissaire à la santé.
« Dix semaines de guerre en Ukraine ont entraîné des incertitudes, des insécurités, des chagrins et des pertes incalculables », a déclaré Hans Kluge, le responsable Europe pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS) lors de l’ouverture des discussions de la coalition.
La coalition, présentée en septembre 2021 en présence de la reine des Belges, vise à améliorer la santé mentale des citoyens en Europe. Parmi les priorités : une meilleure qualité des soins de santé mentale et la promotion des soins de santé psychiques tout au long de la vie.
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février dernier, plus de cinq millions de personnes ont fui la guerre, principalement dans les pays limitrophes de l’Ukraine comme la Pologne, la Moldavie, la Roumanie ou encore la Slovaquie. Selon M. Kluge, ces pays ont vu une « augmentation de la demande de services de santé et de santé mentale en raison de l’afflux important de réfugiés ».
« L’OMS Europe et Asie centrale ont déployé des experts en santé mentale et en soutien psychosocial pour travailler avec les autorités nationales afin de répondre aux besoins en santé mentale des ukrainiens qui ont fui leur pays », a révélé M. Kluge.
La guerre en Ukraine a aggravé les problèmes de santé mentale déjà présents dans l’UE, selon la commissionnaire Stella Kyriakides. Durant les discussions, Mme Kyriakides a souligné le « traumatisme » des réfugiés, tout en soulignant que deux millions d’euros étaient alloués par l’UE à la santé mentale et aux bien-être des migrants et des réfugiés.
« Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour répondre à leurs besoins en matière de santé mentale », a ajouté la commissaire avant de prévenir que les problèmes de santé mentale actuels allaient « nous accompagner pendant de nombreuses années ».
Des réfugiés difficiles d’accès
La coalition souhaite venir en aide aux Ukrainiens, mais aussi aux équipes médicales sur place et plus largement à toutes les personnes touchées par le conflit.
« Il est difficile de décrire ce que vivent les collègues », a déclaré Jarno Habicht, représentant de l’OMS en Ukraine, selon qui le traumatisme, à la fois pour les équipes médicales et les réfugiés, « sera présent pour les deux ou trois générations à venir ».
M. Jarno a également souligné la difficulté pour les équipes médicales sur place, et dans les pays voisins, d’apporter une aide psychologique aux Ukrainiens car ceux-ci se déplacent pour fuir la guerre, que cela soit dans leur pays ou ailleurs en Europe.
« Comment les atteindre ? Comment restaurer la confiance ? », a interrogé M. Jarno. Si des professionnels de la santé mentale ont été déployés durant le conflit, peu de gens reviennent en Ukraine pour l’instant. « Les gens ont peur de revenir dans leur maison, l’eau et l’électricité ne sont pas toujours là, les maisons peuvent être bombardées à tout moment ».
M. Jarno a également souligné l’aide précieuse, sur place, des équipes médicales des ONG comme la Croix rouge et de Médecins sans frontières (MSF) qui « apportent un soutien en matière de santé mentale ».
Le responsable OMS basé en Ukraine a conclu en soulignant que la santé mentale représentait « un travail énorme qui nous attend depuis des décennies et qu’aucun d’entre nous n’avait imaginé au moment du lancement de la coalition ».
Santé mentale des migrants
La santé mentale semble figurer parmi les priorités de l’OMS ces jours-ci. Mercredi, l’agence santé des Nations unies a publié un rapport alertant sur les conséquences de la détention sur la santé mentale des migrants.
Le rapport souligne que les conditions de détention peuvent avoir des effets néfastes sur la santé mentale pendant et au moment de la libération. Plus la période de détention est longue, plus la santé mentale des détenus se dégrade.
D’autant que si les problèmes de santé psychiques des migrants sont « bien documentés », les soins et le soutien psychologiques font « souvent défaut », peut-on lire dans le rapport.
« La santé mentale des migrants et des réfugiés devrait être prise en charge par les services de santé mentale traditionnels d’un pays, comme le font les pays voisins [de l’Ukraine] » a également déclaré Hans Kluge lors des discussions de la coalition.
Plus largement, l’OMS invite les États membres de l’UE à prendre la question de la santé mentale des citoyens à bras le corps, soulignant que près de 130 000 personnes se suicident chaque année dans la région, un « chiffre inacceptable », d’autant que la Covid a « encore aggravé la situation », rappelle le représentant de l’OMS.
« La santé mentale est un domaine complexe que le système national de santé ne peut pas traiter seul », a conclu M. Kluge.
Certains pays ont déjà mis en place des stratégies à l’image de la France qui a lancé, lundi (2 mai), une grande enquête nationale sur la santé des enfants âgés de 3 à 11 ans.