La Médiatrice européenne a sévèrement critiqué l’exécutif européen pour sa réponse concernant les échanges de textos entre la Présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, et le PDG du géant pharmaceutique Pfizer, Albert Bourla, et a confirmé son constat de mauvaise administration dans cette affaire.
Dans une déclaration publiée jeudi (14 juillet), la Médiatrice européenne Emily O’Reilly a déclaré que la réponse de la Commission européenne à ses précédentes conclusions n’a pas permis de savoir si les textos en question existaient bel et bien et qu’elle « n’a pas non plus clarifié la manière dont la Commission répondrait à une même demande concernant d’autres textos ».
La déclaration de Mme O’Reilly porte sur la réponse de la Commission à une demande d’accès à des échanges de textos entre M. Bourla et Mme von der Leyen.
« Le traitement de cette demande d’accès à des documents laisse la regrettable impression d’une institution européenne qui n’est pas franche sur des questions d’intérêt public majeures », a ajouté la Médiatrice.
Mme O’Reilly a donc confirmé ses conclusions de mauvaise administration et a recommandé aux institutions européennes de conserver les messages professionnels suite à cette affaire.
Les textos en question ont été envoyés alors que l’UE était en train de conclure les contrats pour le vaccin contre la Covid-19, ainsi qu’au cours d’un conflit avec AstraZeneca, le rival de Pfizer, mais la Commission a affirmé qu’elle ne les avait pas « identifiés » et consignés lorsqu’un journaliste lui a posé la question.
Le New York Times avait publié un premier article sur ces messages en avril 2021. Cela a donné lieu à une plainte auprès de Mme O’Reilly, qui a rendu son verdict le 28 janvier 2022, soulignant que la Commission européenne devait « effectuer une recherche plus approfondie [pour retrouver] les messages en question ».
Le 29 juin dernier, la Commission a répondu que la recherche des messages n’avait « donné aucun résultat », pour reprendre les termes employés par la commissaire européenne à la Transparence, Věra Jourová.
L’exécutif européen a indiqué qu’il se considérait également en conformité avec la législation sur l’accès aux documents, laissant ainsi entendre qu’il n’était pas obligé de conserver une trace des textos.
Selon Mme O’Reilly, la réponse de la Commission signée par Mme Jourová « n’indiquait pas si elle avait recherché directement et correctement les textos et, si cela n’a pas été le cas, pourquoi ».
Un rappel à l’ordre pour toutes les institutions européennes
Dans sa réponse, Mme O’Reilly affirme que nul ne doute que les textos en question relèvent du règlement européen sur l’accès aux documents, puisqu’ils concernent « les politiques, activités et décisions relevant de la sphère de responsabilité de l’institution », comme le prévoit le règlement.
Elle se félicite ensuite du fait que la Commission l’a reconnu dans sa réponse.
Cependant, « malgré cette reconnaissance, la Commission exclut, dans la pratique, les textos du champ d’application du règlement 1049/2001 », peut-on lire dans la déclaration de Mme O’Reilly.
La déclaration fait suite à d’autres critiques récentes concernant l’interprétation interne de la Commission du règlement sur l’accès aux documents. Des enquêtes menées en mars par la rédaction indépendante Follow the Money ont montré que des fonctionnaires de la Commission européenne ont jugé « vagues » les règles de l’institution concernant les documents à conserve et ont demandé que les messages instantanés soient inclus.
Mme O’Reilly estime qu’il est grand temps que les textos soient enregistrés par toutes les institutions européennes parce qu’ils constituent une forme de communication moderne et largement utilisée.
« L’accès du public aux textos professionnels est un domaine nouveau pour l’administration de l’UE, qui doit être abordé de manière concrète et de bonne foi. Cette enquête est un signal d’alarme pour toutes les institutions de l’UE », a-t-elle poursuivi.
Des recommandations pour l’avenir
L’affaire étant désormais close, le processus a incité la Médiatrice à formuler des recommandations pour « guider l’administration de l’UE dans l’enregistrement des textos et des messages instantanés à l’avenir ».
Il s’agit notamment de reconnaître les textos et les messages instantanés liés au travail comme des documents de l’UE, de mettre en place des outils technologiques pour faciliter l’enregistrement de ces messages et de donner au personnel des institutions des instructions claires sur la manière d’enregistrer les messages.
Il est également recommandé, lorsqu’il s’agit de l’accès aux documents, de prendre en compte « tous les endroits où de tels messages pourraient être stockés, y compris les appareils électroniques utilisés par le personnel, et d’aider le personnel susceptible de détenir de tels messages ».
Si cela peut aider, une autre option consiste à mettre à jour la législation actuelle, qui date du début du siècle, lorsque de nombreuses formes modernes de communication n’étaient pas encore utilisées.
« La législation actuelle remonte à une vingtaine d’années et doit être revue en profondeur pour garantir à nos citoyens leurs droits fondamentaux », a déclaré l’eurodéputée socialiste Evin Incir lors d’un débat parlementaire sur la transparence avec la commissaire Mme Jourová en mars.