Dans de nombreux pays européens, la santé mentale est encore taboue. Pourtant, les troubles psychologiques leur coûtent 4 % du PIB. La libéralisation du marché du travail ne fait qu’aggraver la situation, selon l’OCDE.
Selon un nouveau rapport de l’OCDE, une personne sur six souffre de troubles psychologiques dans l’UE, soit plus de 84 millions de personnes. Chaque année, environ 10 millions de personnes sont affectées par ce type de problèmes.
Outre les conséquences évidentes sur la vie de ces citoyens, les chercheurs estiment l’impact économique des problèmes de santé mentale à plus de 600 milliards d’euros par an dans l’UE. Quelque 190 milliards d’euros, soit 1,3 % du PIB européen, servent à financer les soins directs et 170 milliards, soit 1,7 % du PIB, sont alloués aux programmes de sécurité sociale.
Le coût le plus important est cependant associé au chômage et à la baisse de productivité des personnes atteintes de ces troubles. La facture représenterait 1,6 % du PIB, soit 260 milliards d’euros.
La Finlande (5,32 % du PIB), le Danemark (5,38 %), les Pays-Bas (5,12%) et la Belgique (5,05 %) sont les pays les plus financièrement touchés par le phénomène. À l’autre bout du spectre, on retrouve la Lituanie (2,64 % du PIB), la République tchèque (2,45 %), la Bulgarie (2,36 %) et la Roumanie (2,12 %).
L’OCDE souligne pourtant que ces différences peuvent être liées à des problèmes de sous-diagnostic et de non-traitement des personnes affectées. L’impact n’en est alors pas moindre, au contraire, mais il n’est pas aussi bien identifié.
Le trouble psychique le plus répandu au sein de l’UE est l’anxiété chronique, qui touche environ 25 millions de citoyens (5,4 % de la population), suivi par la dépression, avec 21 millions de personnes (4,5 % de la population), et les problèmes liés à la drogue et à l’alcool, avec 11 millions de personnes (2,4 % de la population).
Les maladies psychiques coûtent aussi des vies. En 2015, elles auraient ainsi été la raison de la mort de plus de 84 000 personnes dans l’Union.
La Commission européenne et l’OCDE appellent donc les États membres à promouvoir et améliorer les traitements et diagnostics précoces. Tous les pays de l’Union ne disposent en effet pas de stratégie spécifique à ce sujet. La promotion et la prévention permettraient de sauver des vies, mais assureraient aussi de meilleures conditions de travail, ce qui renforcerait l’économie en général.
« Le fardeau des troubles psychologiques pesant sur les individus et la société n’est pas inévitable », rappelle José Ángel Gurría, secrétaire général de l’OCDE.
Santé mentale et travail
La santé mentale est l’une des principales causes d’incapacité de travail à court et long terme. Au sein de l’UE, la moitié des citoyens entre 25 et 64 ans diagnostiqués comme dépressifs chroniques sont au chômage. Et ceux qui disposent d’un emploi ne sont pas aussi productifs et ont plus de chances d’être absents. Une situation particulièrement courante pour les personnes souffrant de troubles anxieux.
Si un emploi aide parfois les personnes à gérer leurs troubles psychologiques, de mauvaises conditions de travail peuvent créer ou aggraver ces problèmes. L’évolution du marché du travail, les entraves à l’accès à la protection sociale, de mauvaises conditions de travail et l’insécurité professionnelle sont autant de facteurs favorisant l’apparition de ces maladies.
« Le chômage est un facteur de risque bien connu pour les problèmes de santé mentale alors que le retour au travail ou l’obtention d’un emploi sont des facteurs de protection », souligne l’Organisation mondiale de la santé. Cela n’est cependant valable que dans de bonnes conditions, puisqu’« un cadre de travail négatif peut entraîner des problèmes de santé physique et mentale, l’usage nocif de substances ou d’alcool, l’absentéisme et une perte de productivité ».
Alors que les relations de travail se caractérisaient dans le passé par des contrats à temps plein et à durée indéterminée entre un travailleur et un seul employeur, la révolution numérique et la mondialisation ont conduit à des contrats plus flexibles et à davantage de travailleurs indépendants.
Étant donné que les personnes souffrant de problèmes de santé mentale sont plus susceptibles de souffrir d’une incapacité de travail à court et à long terme, il est essentiel qu’elles aient accès à une protection sociale pour garantir un accès adéquat aux soins. Les personnes souffrant de troubles mentaux et connaissant de mauvaises conditions de travail sont plus susceptibles d’être confrontées à une faible protection du revenu.
Le Parlement européen et le Conseil vont bientôt entamer des négociations sur une nouvelle directive encourageant des conditions de travail transparentes et prévisibles. Cette législation vise à garantir que les droits des travailleurs sont couverts dans toutes les formes de travail, y compris les pour les indépendants ou les travailleurs ayant des contrats à court terme, par exemple.
Cette directive, associée à une protection sociale forte, un diagnostic et un traitement précoces et une sensibilisation visant à briser le tabou entourant la santé mentale, sera importante pour aider les travailleurs souffrant de troubles mentaux à améliorer leur bien-être tout en limitant l’impact de la maladie psychologique sur l’économie.