La commission parlementaire dédiée à l’environnement s’est opposée à la définition de perturbateur endocrinien proposée par la Commission européenne. Les eurodéputés ont également validé la réglementation du taux d’acrylamide, une substance cancérigène, dans la nourriture.
« Le danger posé par l’acrylamide en Europe est aujourd’hui certainement plus important que celui que représente le glyphosate ou le fipronil », a estimé Peter Leise, eurodéputé PPE allemand, lors du débat de la commission ENVI. « Et si nous nous rappelons des discussions que nous avons eues sur ces substances, nous devrions aborder celle-ci avec sérieux. »
En juillet, la Commission européenne a proposé des mesures contraignantes pour limiter l’exposition des citoyens à l’acrylamide, une substance cancérigène, qui se forme dans certains aliments quand ils sont exposés à des températures élevées. C’est notamment le cas des pommes de terre, des céréales et du café.
Le projet législatif a été accueilli positivement à la fois par l’industrie alimentaire et par les organisations de consommateurs. Certains eurodéputés ont cependant déposé des amendements contre ces mesures, estimant qu’il s’agit d’une interférence bureaucratique inutile.
Elisabeth Köstinger, eurodéputée PPE autrichienne, dénonce une réglementation « excessivement prescriptive » qui ajouterait un fardeau supplémentaire aux petits commerces. Elle imagine ainsi des employés de friteries obligés de comparer la couleur de leurs frites à un tableau européen avant de pouvoir les vendre.
La Commission estime cependant que les mesures volontaires souscrites par l’industrie n’ont pas été efficaces. Elle assure en outre que la charge bureaucratique sera limitée et que les « petits restaurateurs et friteries ont été particulièrement pris en compte ». La commission ENVI a donné raison à l’exécutif, rejetant à 44 voix contre dix son amendement.
Julie Girling, eurodéputée britannique CRE, connue pour son soutien au glyphosate et aux OGM, par exemple, a indiqué que, cette fois-ci, elle avait bien dû « respecter le consensus scientifique » sur l’acrylamide. Elle a donc conseillé à son groupe de voter contre l’amendement.
L’association de représentation de l’industrie, FoodDrinkEurope, s’est félicitée du vote. « Nous estimons que la proposition de la Commission est la manière la plus pratique, pragmatique et proportionnée d’obtenir des résultats », lit-on dans un communiqué.
Perturbateurs endocriniens
Lors de la même session, les élus de la commission ENVI se sont également penchés sur une objection aux critères pour l’identification scientifique des substances qui constituent des perturbateurs endocriniens. « La proposition n’est pas tout à fait mauvaise, mais elle n’est pas assez bonne, et elle n’est, surtout, pas légalement solide », a expliqué Jytte Guteland, l’eurodéputée suédoise S&D qui a introduit l’objection.
Selon la proposition, approuvée par les États membres le 4 septembre, les critères retenus pour l’identification des perturbateurs endocriniens ne s’appliqueraient qu’aux produits biocides. La Commission espère cependant que ces critères formeront la base d’une stratégie plus large de protection des citoyens vis-à-vis des perturbateurs endocriniens dans les jouets, les cosmétiques et les emballages alimentaires.
La liste de substances représentera « un tremplin vers d’autres actions visant à protéger la santé et l’environnement en permettant à la Commission de commencer à élaborer une nouvelle stratégie pour réduire autant que possible l’exposition des citoyens de l’UE aux perturbateurs endocriniens, qui sont aussi présents ailleurs que dans les pesticides et les biocides », indique également l’exécutif dans un communiqué datant du 4 juillet.
État de droit
Pourtant, « le service juridique du Parlement a indiqué que la Commission outrepassait son mandat en introduisant une dérogation pour les organismes dits non visés », poursuit Jytte Guteland. Tout comme elle, Bas Eickhoudt (Verts, néerlandais), estime que cette dérogation, qui altère dans les faits les règles de 2009 sur les produits phytosanitaires, aurait dû faire l’objet d’un accord en codécision.
Pour lui, la Commission n’a donc pas le droit d’introduire ce choix dans ses critères de définition des perturbateurs endocriniens. « La question clé est la suivante : la Commission sort-elle de son mandat ? », demande l’eurodéputé. « Cette objection se fonde sur l’état de droit.
L’exécutif rejette toute accusation de dépassement de son mandat et assure que ses propres services juridiques n’ont trouvé aucun problème. Les partisans de la définition ajoutent en outre que tout recul sur la question reporterait les vrais progrès à plusieurs années.
Si les critères sont renvoyés à la Commission par le Parlement « il ne se passera plus rien sous cette Commission », regrettait Jens Gieseke, eurodéputé allemand du PPE, avant le vote. En vain : l’objection est passée à 36 voix contre 26.
Monique Goyens, directrice générale de l’organisation européenne des consommateurs (BEUC), s’est réjouie de ce vote. « Nous applaudissons les eurodéputés qui exigent que la Commisison présente une définition plus stricte des perturbateurs endocriniens », a-t-elle réagi. « Les eurodéputés l’ont dit aujourd’hui, la santé des générations actuelles à futures dépendent d’une action forte de l’UE. »