Un texte largement critiqué sur la levée des droits de propriété intellectuelle sera présenté à l’OMC

Ngozi Okonjo-Iweala, directrice générale de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), au siège de l'Organisation, à Genève, en Suisse, le 15 juillet 2020. [EPA-EFE/MARTIAL TREZZINI]

Un texte largement critiqué, élaboré dans le cadre de négociations internationales, devrait être présenté aux 164 membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) lors de la prochaine étape des pourparlers sur une levée des droits de propriété intellectuelle (PI) pour les vaccins et traitements contre la Covid-19.

Le texte, qui est le résultat de négociations informelles entre les membres de la Quadrilatérale — à savoir l’Inde, l’Afrique du Sud, les États-Unis et l’Union européenne — a été présenté par la directrice générale de l’OMC, Ngozi Okonjo-Iweala, mardi 3 mai.

Si, selon les médias, l’Union européenne est jusqu’à présent la seule à soutenir le texte actuel, le document a été appelé « document final de la Quadrilatérale », en référence claire à tous ses négociateurs.

C’est la première fois que les discussions sur la renonciation aux droits de propriété intellectuelle pour les vaccins et les traitements Covid-19 atteignent l’ensemble des membres de l’OMC. Les 164 membres de l’OMC doivent parvenir à un consensus avant qu’un accord final puisse être conclu.

Le texte de mardi ne comporte que des modifications mineures par rapport au texte de compromis qui avait fait l’objet d’une fuite en mars. Plusieurs parenthèses ont été ajoutées dans le texte et, dans une note de bas de page, elles indiquent que la certitude sur ces points est moins grande que précédemment.

L’une des parenthèses a été ajoutée à la suggestion, déjà critiquée, de ne permettre l’application de la dérogation qu’aux membres de l’OMC qui exporteraient moins de 10 % des doses de vaccin dans le monde en 2021, une disposition qui concernerait l’UE, la Chine et les États-Unis.

« L’objectif des discussions était de parvenir à une solution viable », a confié Mme Okonjo-Iweala à Reuters mercredi. Elle a exprimé l’espoir que les membres de l’OMC approuvent une proposition finale d’ici juin.

« Cela fera avancer la discussion et le dialogue. Pour la prochaine pandémie ou une nouvelle vague de celle-ci, c’est extrêmement important », a ajouté Mme Okonjo-Iweala.

Réitérant les critiques formulées précédemment au sujet du texte qui a fait l’objet d’une fuite, Max Lawson, coprésident de la People’s Vaccine Alliance, a reproché au texte de continuer à « placer les intérêts des entreprises pharmaceutiques au-dessus des besoins en matière de santé mondiale ».

« Il ne s’agit pas de la dérogation aux ADPIC soutenue par plus de 100 gouvernements. Elle n’est approuvée par aucun membre autre que l’UE. Et elle est tout à fait insuffisante pour lutter contre une pandémie qui a tué environ 20 millions de personnes et qui continue à progresser », a déclaré M. Lawson dans un communiqué de presse.

« Les États membres de l’OMC doivent de toute urgence accorder une véritable dérogation en matière de propriété intellectuelle qui permettra de remédier à l’inégalité mondiale en matière de vaccins, de tests et de traitements et de faire la différence dans la lutte contre ce virus. Si les négociations menées au sein de l’OMC ne permettent pas d’obtenir ce résultat après deux ans d’une pandémie mortelle, alors nous devons admettre que l’institution n’est pas adaptée à sa mission », a-t-il poursuivi.

En octobre 2020, l’Inde et l’Afrique du Sud ont demandé à l’OMC de renoncer aux droits de PI sur les médicaments dans l’espoir d’aider à « prévenir, contenir et traiter la Covid-19 ».

L’UE défend le compromis sur la levée des droits de propriété intellectuelle, l’Inde et l’Afrique du Sud demandent son rejet

Une vaste plateforme internationale de militants, de syndicats et d’experts a exhorté l’Inde et l’Afrique du Sud à rejeter le compromis qui a fait l’objet d’une fuite concernant les droits de propriété intellectuelle sur les vaccins pour la Covid-19.

Soutien de l’UE, scepticisme de l’industrie

Le nouveau document se concentre toujours uniquement sur les vaccins contre la Covid-19 et non sur les traitements, tout en étant ouvert à la possibilité que, dans les six mois suivant un accord final de l’OMC, les membres de l’OMC doivent décider s’il faut l’étendre pour inclure également les outils de diagnostic et les traitements pour la Covid-19.

Elle suggère également qu’une décision finale soit limitée à trois ou cinq ans.

Dans des réponses données à EURACTIV en avril, un porte-parole de la Commission européenne a déclaré que le texte ayant fait l’objet d’une fuite en mars « maintient, dans notre intérêt commun, un cadre de propriété intellectuelle fonctionnel, avec des incitations à l’investissement, à la recherche et au transfert de technologie, qui sont indispensables à la fois pour le développement de nouveaux vaccins et médicaments, mais aussi pour le renforcement de la capacité de production des pays africains ».

Le porte-parole a également souligné que nous avons besoin « du cadre de propriété intellectuelle qui sécurise les droits des inventeurs », étant donné qu’une augmentation de la production dans les pays en développement nécessite des transferts de savoir-faire et des investissements de la part des entreprises pharmaceutiques qui ont produit les vaccins Covid.

Suite à l’annonce de la divulgation du texte, la FEAIP a appelé « les gouvernements d’Europe et du monde entier à repenser de toute urgence les discussions sur une dérogation pour le vaccin Covid et à se concentrer plutôt sur les véritables obstacles à l’équité mondiale pour les vaccins ».

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