Une définition plus limitée des perturbateurs endocriniens aiderait les industries qui en produisent à continuer de polluer gratuitement, estime l’association européenne du secteur de l’eau, EurEau.
La semaine dernière, l’industrie européenne des produits chimiques a relancé le débat sur la définition des perturbateurs endocriniens en prévenant que les critères envisagés par la Commission n’étaient pas opérationnels. Les parties prenantes sont divisées sur l’approche que devrait adopter l’exécutif européen.
En juin, la Commission a préconisé l’approche fondée sur le danger de la réglementation sur les pesticides. Cela implique l’interdiction des substances en fonction de leur dangerosité, et non en fonction de l’exposition des citoyens. L’autre option, l’approche basée sur le risque, préférée par l’industrie chimique, prend également en compte l’exposition.
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Une définition claire
La définition proposée par la Commission européenne s’inspire de la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Or, dénoncent les fournisseurs d’eau, dans sa version courte, cette définition ne mentionne pas l’exposition via l’environnement ou via les produits phytopharmaceutiques, comme les pesticides.
L’OMS décrit un perturbateur endocrinien comme « une substance ou un mélange exogène altérant les fonctions du système endocrinien et induisant donc des effets nocifs sur la santé d’un organisme intact, de ses descendants ou (sous-)populations ».
« Nous voulons une définition scientifique, prouvée, horizontale et claire des produits perturbateurs endocriniens, qui puisse être comprise, communiquée et suivie pour de nombreux produits, afin d’assurer la protection des ressources hydrauliques européennes », martèle Caroline Greene, directrice de communication d’EurEau, lors d’un entretien avec EURACTIV.
Des critères intelligents pourraient contribuer à modeler la stratégie de protection des ressources à long terme de cette association de représentation du secteur, et lui permettre une meilleure communication avec ses partenaires.
« Une définition claire ira dans le sens d’une révision de la directive-cadre sur l’eau et encouragerait la surveillance des composés des perturbateurs endocriniens », qui pourraient être remplacés par des alternatives moins dangereuses, poursuit Caroline Greene, qui ajoute que cela renforcerait également le principe du « pollueur payeur ».
Les industries produisant des perturbateurs endocriniens pourraient ainsi être mises à contribution pour financer les produits et développements nécessaires à l’élimination de ces substances, afin de protéger nos ressources et la santé humaine, explique-t-elle.
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Ressources hydrauliques et financements de l’action
EurEau défend l’établissement d’une définition aux critères stricts, comme l’évaluation des propriétés perturbatrices endocriniennes lors de la procédure d’autorisation de toutes les substances. Cette mesure pourrait notamment avoir un impact sur les ressources hydrauliques.
L’interdiction de certains produits devrait en effet être décidée en fonction de leur dangerosité, mais aussi du risque de conséquences sur les ressources hydrauliques, aussi bien l’eau souterraine que les eaux de ruissellement. « L’histoire montre qu’une fois un produit introduit dans l’économie, celui-ci se diffusera inévitablement dans l’environnement, quelles que soient les réglementations », souligne la directrice de communication.
Les fournisseurs d’eau craignent que des critères moins stricts soient exploités par l’industrie chimique, ce qui finira par faire augmenter les prix à la consommation, puisqu’il faudra dépolluer l’eau. Pour EurEau, la Commission devrait appliquer l’approche du contrôle des sources, le principe de précaution et le principe « pollueur payeur ».
« Les pesticides, leurs métabolites et produits transformés ont un impact croissant sur la qualité des ressources hydrauliques, et les fournisseurs d’eau potable doivent recourir à des systèmes de traitement supplémentaires et coûteux plus régulièrement, et ce sont les consommateurs qui en payent le prix », conclut Caroline Greene.