Alors que la nouvelle direction de l’Union européenne (UE) doit bientôt prendre ses fonctions, l’ambassadeur ukrainien à Bruxelles, Vsevolod Chentsov, a expliqué à Euractiv demander une intensification de l’aide à Kiev et une accélération du processus d’adhésion.
Lors d’une interview donnée à Euractiv à la veille de la fête de l’indépendance ukrainienne, samedi 24 août, et alors que l’invasion russe dure depuis désormais deux ans et demi environ, Vsevolod Chentsov explique que Kiev anticipe « un engagement soutenu » de la nouvelle direction européenne à l’Ukraine.
« Les réélections de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et de la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, sont particulièrement encourageantes, car toutes deux ont toujours fait du soutien à l’Ukraine une priorité », déclare-t-il.
Le futur président du Conseil européen, António Costa, et la future cheffe de la diplomatie de l’UE, Kaja Kallas, ont aussi expliqué être engagés en faveur du pays en guerre, ce qui donne à l’Ukraine l’assurance que le soutien de l’UE devrait se poursuivre.
« Avec la formation de la nouvelle Commission à l’automne, les nominations des responsables politiques en charge de la défense, du commerce et de l’élargissement seront essentielles pour garantir la poursuite d’une coopération sur la voie de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE », a-t-il ajouté.
Une assistance accrue, une adhésion plus rapide
Vsevolod Chentsov a aussi indiqué que l’Ukraine attendait « une assistance militaire soutenue, incluant la fourniture de systèmes de défense, de munitions, d’artillerie, d’avions et la formation de nos forces armées ».
En ce qui concerne l’aide financière, cruciale pour soutenir l’économie et la société ukrainiennes, Vsevolod Chentsov attend les subventions et les prêts accordés par l’intermédiaire de la facilité pour l’Ukraine et un paquet financier destiné à envoyer à Kiev 50 milliards d’euros provenant des bénéfices des avoirs russes gelés en Europe.
L’aide humanitaire restera une priorité, car la guerre menée par la Russie a déplacé des millions de personnes, a souligné l’envoyé de Kiev, ajoutant qu’il s’attendait à ce que l’UE s’implique davantage dans l’aide aux personnes touchées, ainsi que dans la reconstruction des infrastructures détruites.
En ce qui concerne l’élargissement, Vsevolod Chentsov a affirmé qu’il s’attendait à de nouvelles avancées des négociations d’adhésion de son pays au cours des prochains mois et qu’il espérait que « la politique d’élargissement reste l’une des principales priorités géopolitiques de l’agenda de l’UE ».
La poursuite de ce rapprochement devrait inclure l’ouverture de négociations, notamment concernant le chapitre « fondamental » du système judiciaire et des droits fondamentaux, éventuellement sous la présidence polonaise de l’UE, au cours du premier semestre 2025.
Il faudra pour ce faire l’accord unanime des Vingt-Sept.
Le dilemme de l’aide occidentale
En sus de la crainte que le soutien des États-Unis à l’Ukraine ne soit menacé si le candidat républicain Donald Trump revenait à la Maison-Blanche, l’Allemagne a récemment annoncé qu’elle prévoyait de réduire de moitié son aide militaire à Kiev en 2025.
Interrogé sur l’incertitude quant à la capacité de l’UE à combler tout déficit éventuel, Vsevolod Chentsov a répondu qu’il existait une « vision commune avec nos partenaires selon laquelle aider l’Ukraine à repousser l’agression russe est le meilleur investissement pour la sécurité européenne ».
« En juin, l’Ukraine et l’UE ont signé des engagements communs en matière de sécurité. Il est essentiel que nous mettions en œuvre ces accords, en veillant à ce que le soutien militaire se poursuive, quels que soient les résultats des élections américaines », a-t-il souligné.
Depuis l’invasion généralisée de la Russie en février 2022, l’aide militaire de l’UE a dépassé 39 milliards d’euros, tandis que près de 60 000 soldats ukrainiens ont été formés dans le cadre de la mission d’assistance militaire de l’UE (EUMAM), selon les estimations officielles ukrainiennes.
« Nous espérons que le Fonds d’assistance à l’Ukraine nouvellement créé dans le cadre de la Facilité européenne pour la paix sera le pilier central de ce soutien », a déclaré Vsevolod Chentsov.
Cependant, depuis un an, la Hongrie bloque les remboursements au titre du fonds de l’UE utilisé pour l’achat d’armes destinées à l’Ukraine.
Interrogé sur la volonté croissante de la Hongrie de bloquer les décisions de l’UE relatives à l’Ukraine, l’ambassadeur ukrainien à Bruxelles a souligné que Kiev « faisait de son mieux pour assurer un dialogue constructif avec Budapest ».
Dans le cadre des négociations d’adhésion à l’UE, Kiev « prend au sérieux toutes les préoccupations justifiées » et « espère réaliser des progrès significatifs d’ici la fin de l’année ».
La zone tampon de Koursk
Après deux ans et demi passés à résister aux forces russes, l’Ukraine a réussi en août à pénétrer en territoire russe, dans l’oblast de Koursk. Selon Vsevolod Chentsov, cette opération s’inscrit dans le cadre du plan de défense visant à protéger les zones frontalières de la région de Sumy.
« Depuis le début de l’été, plus de deux mille attaques ont été menées depuis les districts de la région russe de Koursk, contre les habitants de la région de Sumy, à l’aide de diverses armes — roquettes et artillerie tractée, mortiers, missiles, drones, et bien d’autres encore », a expliqué l’ambassadeur.
« Pour protéger la vie des Ukrainiens et notre pays, notre armée a établi une zone tampon dans la région de Koursk, où elle contrôle désormais plus de 90 localités. Ces secteurs sont progressivement débarrassés de la présence militaire russe qui menaçait autrefois l’Ukraine », a-t-il ajouté.
Les forces armées ukrainiennes fourniront une aide humanitaire aux populations civiles et leur donneront la possibilité de quitter les lieux par des couloirs humanitaires, a-t-il déclaré.
« On peut remarquer le contraste frappant avec le comportement des soldats russes dans les zones ukrainiennes sous occupation russe depuis 2022 », a ajouté Vsevolod Chentsov, faisant référence aux cas documentés de crimes de guerre commis par les soldats russes sur le sol ukrainien.
« Cette opération défensive dans la région de Koursk ne serait pas nécessaire si l’Ukraine pouvait utiliser toutes les armes fournies par ses partenaires pour des frappes à longue portée sur des cibles militaires à l’intérieur de la Russie », a souligné l’ambassadeur. « [Si l’on pouvait] détruire leur logistique, leurs aérodromes et leurs centres de formation, il ne serait plus nécessaire de créer des zones tampons ».