Yaroslav Yurchyshyn, député libéral ukrainien du parti Holos (ALDE, allié à Renew Europe), s’est félicité de la détention du PDG de Telegram Pavel Durov, car elle perturbe les réseaux de communication des dirigeants russes.
Pavel Durov, citoyen franco-russe et PDG de la messagerie instantanée Telegram, a été arrêté à Paris samedi 24 août pour de multiples infractions, dont des faits d’escroquerie en bande organisée et de diffusion de contenus pédopornographiques. Sa garde à vue a été prolongée jusqu’au mercredi 28 août.
« On ne peut que remercier les autorités françaises pour leur volonté de protéger leurs citoyens et les citoyens d’autres pays contre […] la distribution de contenu pédopornographie, les appels au terrorisme, le trafic de drogue, la contrebande, la fraude financière, la propagande de la ‘paix russe’ (Rusciy Mir) », a déclaré le député ukrainien à Euractiv.
Yaroslav Yurschyshyn est coauteur d’un projet de loi réglementant Telegram et a dirigé l’ONG Transparency International Ukraine de 2014 à 2019.
Selon lui, le manque de modération de l’application Telegram a conduit au fait qu’« [elle] s’est transformée en un Darknet légalisé ».
« Espérons que l’administration de Telegram sera forcée d’introduire une modération et un chiffrement efficaces », a-t-il déclaré, expliquant que cela « profiterait à tout le monde, sauf aux criminels. »
Plutôt Signal ou Telegram
Le député ukrainien s’est aussi félicité de l’arrestation de Pavel Durov, qui semble avoir perturbé les réseaux de communication russes.
« De facto, ils ont arrêté le chef des communications de l’armée russe », a écrit sur Telegram la chaîne russe « Obsédé par la guerre Z », qui compte plus de 700 000 abonnés et soutient « l’opération militaire spéciale russe en Ukraine ».
Ce message a été partagé sur Telegram par le journaliste pro-russe Alexandre Nevzorov (plus d’un million d’abonnés), ainsi que sur X par l’influent entrepreneur en nouvelles technologies ukrainien Yaroslav Azhnyuk, afin de prouver que l’application devrait être interdite en Ukraine.
« L’armée ukrainienne a banni Telegram pour des raisons de sécurité et elle utilise plutôt Signal ou WhatsApp, alors que l’armée russe conserve Telegram », confirme Taras Nazaruk, un chercheur qui, de février 2022 à juin 2023, a archivé 30 000 gigaoctets (Go) de données provenant de diverses chaînes Telegram, afin notamment de recueillir des preuves sur des crimes de guerre.
Réglementer Telegram
Le débat sur l’opportunité de réglementer Telegram en Ukraine a atteint son paroxysme en mars, après le dépôt d’un projet de loi visant à réglementer les réseaux sociaux, dans le but d’accroître la responsabilité de Telegram.
Le projet de loi a été retardé au sein de la commission spécialisée sur la politique humanitaire et d’information et a fait l’objet de discussions entre les députés ukrainiens et le Conseil de l’Europe en juillet.
Étant donné que le projet de loi n’a pas encore été adopté en première lecture, Yaroslav Yurchyshyn espère « que le procès de Pavel Durov en France stimulera le passage des discussions à l’adoption » du projet de loi.
Les canaux russes de Telegram ne sont pas les seuls à être préoccupés par la perturbation des services de l’application de messagerie.
Des risques aussi pour l’Ukraine
Selon l’Institut international de sociologie de Kiev, en octobre 2023, 44 % des Ukrainiens utilisaient Telegram comme source d’information.
Le canal Telegram ukrainien Monitor (plus de 650 000 abonnés), qui alerte les Ukrainiens des attaques aériennes russes, a partagé un message peu après l’arrestation de Pavel Durov avec un lien vers un compte de sauvegarde sur l’application de messagerie Viber, au cas où Telegram connaîtrait des perturbations.
« À ce jour, [l’arrestation de Pavel Durov] n’a aucun effet sur le fait que Telegram fonctionne en Ukraine », a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky mardi 27 août. Ce dernier a par ailleurs expliqué qu’en cas de problème, l’Ukraine travaillerait avec les États membres de l’UE.
« Les données sur Telegram, comme sur toute autre plateforme, sont éphémères et finiront par disparaître », continue Taras Nazaruk, doctorant à l’université de Hagen, en Allemagne.
« Si elles sont perdues, nous perdrons des sources historiques précieuses sur la guerre » et des preuves potentielles de crimes de guerre, prévient-il.
