OTAN : Jens Stoltenberg accepte la non-participation de la Hongrie au soutien militaire à l’Ukraine

Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg (à gauche), et le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán (à droite). [EPA/STEPHANIE LECOCQ]

Lors de sa visite à Budapest mercredi (12 juin), le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a accepté la demande de la Hongrie de ne pas participer au soutien militaire à l’Ukraine, le pays promettant en échange de ne pas entraver les décisions clés de l’Alliance en vue de consolider cette aide.

« Le Premier ministre [hongrois Viktor Orbán] et moi-même sommes convenus que la Hongrie n’empêchera pas les autres alliés de s’engager à soutenir financièrement l’Ukraine, et l’OTAN de jouer un rôle de premier plan dans la coordination », a déclaré Jens Stoltenberg lors d’une conférence de presse à Budapest, selon l’AFP.

La visite du chef de l’OTAN dans la capitale hongroise intervienait alors que Viktor Orbán avait déclaré le mois dernier qu’il cherchait à « redéfinir » sa position au sein de l’Alliance, en raison de son opposition au soutien militaire de l’organisation à Kiev.

La Hongrie souhaitait inclure une clause de non-participation au prochain programme de soutien à l’Ukraine envisagé par l’OTAN, en discussion depuis plus d’un mois.

Viktor Orbán a déclaré que la décision de Jens Stoltenberg était une reconnaissance du fait que la plupart des membres de l’alliance militaire ne partagent pas son point de vue sur la manière de mettre fin à la guerre en Ukraine. Il a ajouté que la Hongrie restait un membre « loyal » de l’organisation.

La Hongrie « ne peut pas changer les décisions des 31 autres États membres », mais elle « ne contribuera pas financièrement et n’enverra aucun homme à cette guerre, et son territoire ne sera pas utilisé pour participer à cette guerre », a-t-il insisté, rapporte l’AFP.

Les modalités de l’accord entre les deux hommes n’ont toutefois pas été précisées.

Alors que Jens Stoltenberg était en discussion avec les Hongrois sur les détails d’une éventuelle non-participation au programme d’aide depuis plusieurs mois, des diplomates de l’organisation avaient expliqué à Euractiv plus tôt cette semaine que les 31 autres membres de l’Alliance attendaient toujours des informations sur ce que cette non-participation hongroise pourrait impliquer.

Les dérogations ne sont pas une nouveauté à l’OTAN. La Turquie, par exemple, a bénéficié d’une dérogation pour participer aux opérations de l’Alliance en Libye au début des années 2010.

Les ministres de la Défense de l’Alliance se réuniront jeudi (13 juin) à Bruxelles pour tenter de parvenir à un accord sur le futur programme à l’approche du sommet de l’Alliance à Washington en juillet.

Le programme de l’OTAN

Le chef de l’OTAN souhaite rallier le soutien des Alliés en amont du sommet de Washington, durant lequel l’Alliance prévoit de renforcer son rôle dans la coordination des livraisons d’armes et la formation des troupes ukrainiennes.

Il envisage de sanctuariser le soutien politique de l’Occident à Kiev, même si des changements politiques au sein des pays de l’Alliance devaient avoir lieu. Il est notamment prévu que l’OTAN reprenne la coordination de l’aide militaire du groupe de soutien ad hoc Ramstein dirigé par les États-Unis, et que cette aide soit pérénisée à hauteur de minimum 40 milliards d’euros par an.

La Hongrie avait fait savoir qu’elle ne souhaitait pas faire partie de ces projets, le gouvernement Orbán ayant déclaré sa neutralité militaire après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022.

Depuis le début de la guerre, Budapest a renoncé à fournir une aide militaire et n’a soutenu Kiev qu’au moyen d’une assistance humanitaire.

Le secrétaire général de l’OTAN a déclaré mercredi qu’il s’attendait à ce que les Alliés « s’accordent sur le rôle de premier plan que doit jouer l’OTAN dans la coordination et la fourniture de l’assistance et de la formation en matière de sécurité à l’Ukraine ».

« Je m’attends également à ce que les Alliés prennent des engagements financiers à long terme pour fournir un soutien militaire, ce qui apportera la prévisibilité et la responsabilité dont l’Ukraine a besoin. »

Les ministres de l’OTAN examinent la mise en œuvre d’un fonds de 100 milliards d’euros pour l’Ukraine

Les ministres des Affaires étrangères de l’OTAN devraient discuter en détail d’un programme de soutien à l’Ukraine lors de leur réunion à Prague vendredi (31 mai), avant le sommet de l’alliance qui se tiendra en juillet à Washington.

Blocages au sein de l’UE

Budapest a également entravé et entrave encore de nombreuses décisions politiques sur l’assistance militaire à l’Ukraine au niveau de l’UE, tels que les paquets de sanctions à l’encontre de Moscou et l’adhésion future de l’Ukraine à l’Union.

Pour l’instant, la Hongrie bloque plus de 6 milliards d’euros destinés au remboursement des États membres de l’UE pour les livraisons militaires à l’Ukraine, et ce même si elle ne participe pas à ces livraisons.

Cette position accroît les tensions entre Budapest et les 26 autres capitales de l’Union.

Les Vingt-Sept fustigent le blocage hongrois de l’aide militaire à l’Ukraine

Les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont exprimé, lundi (27 mai), leur colère face au comportement de la Hongrie, qui bloque de plus en plus souvent les décisions de l’UE en matière de politique étrangère et empêche toute avancée sur l’aide militaire à l’Ukraine.

Un obstacle de plus en plus important

S’il est peu probable que la non-participation hongroise affecte de manière significative la capacité opérationnelle de l’OTAN en ce qui concerne l’aide à l’Ukraine, elle est considérée comme un symptôme des blocages de plus en plus fréquents de la Hongrie au sein des organisations internationales.

« Nous nous sommes penchés sur la question et environ 41 % des résolutions de l’UE sur l’Ukraine ont été bloquées par la Hongrie  », avait indiqué le ministre lituanien des Affaires étrangères, Gabrelius Landsbergis, à des journalistes le mois dernier à Bruxelles.

« La FEP [Facilité européenne pour la paix] est bloquée, les négociations d’adhésion de l’Ukraine sont prises en otage par la Hongrie — et je pourrais continuer indéfiniment — la déclaration [de l’UE] sur la Géorgie, le soutien de la FEP à l’Arménie — fondamentalement, presque toutes nos discussions et les solutions et décisions nécessaires […] sont bloquées par un seul pays », avait déploré le ministre.

« Nous devons commencer à considérer cela comme une approche systématique vis-à-vis de tout effort de l’UE pour jouer un rôle significatif dans les affaires étrangères — et nous devons commencer à en parler  », avait-il ajouté.

Ce sentiment est de plus en plus partagé par ses homologues, y compris au sein de l’OTAN, ainsi que dans d’autres instances de sécurité où Budapest est présente.

Ces deux dernières années, les liens de Budapest avec la Russie sont devenus un problème de plus en plus difficile à ignorer.

Les pays du groupe des Neufs de Bucarest — Bulgarie, République tchèque, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie et Slovaquie — ont entamé des discussions internes sur l’expulsion de la Hongrie de leur organisation, a rapporté le Financial Times cette semaine.

Lors des dernières réunions du groupe, la Hongrie a opposé son veto aux conclusions communes relatives à l’augmentation de l’aide militaire et du soutien politique à l’Ukraine.

Comme Euractiv l’a rapporté en décembre, les membres du groupe des Neufs de Bucarest sont également de plus en plus méfiants à l’idée que Budapest s’assoie à la table des négociations lorsque des questions de sécurité sensibles liées à la Russie sont discutées.

La relation entre Viktor Orbán et Vladimir Poutine, un véritable casse-tête pour l’UE

Ces dernières années, les relations entre Budapest et Moscou ont freiné la mise en œuvre des sanctions de l’UE contre la Russie, ralenti l’envoi de l’aide à l’Ukraine, ou encore entravé l’adhésion de la Suède à l’OTAN, devenant un problème de plus en plus difficile à ignorer pour Bruxelles.

[Édité par Anne-Sophie Gayet]

Inscrivez-vous à notre newsletter

S'inscrire